41.Johan

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Quand j'ouvre la porte de l'appartement, comme d'habitude, je suis accueilli par une chienne surexcitée qui aboie et me bondit dessus, mais ce matin, mes yeux cherchent directement Katarina. Pour une fois, j'ignore Gipsy et ne me penche même pas pour la caresser.

Je reste planté dans l'encadrement, à fixer sa maîtresse avec le soulagement d'un militaire rentrant de mission qui, après des mois d'absence, constate avec bonheur que sa femme est toujours là. Qu'elle ne l'a pas laissé tomber.

Kat, quant à elle, me dévisage depuis le canapé avec un air que je ne lui avais jamais vu jusqu'à présent.

La pièce s'emplit alors d'une lourde tension, l'atmosphère devient pesante, chargée d'électricité, comme si un orage s'apprêtait à éclater dans l'appartement.

Katarina se lève et avance lentement vers moi. Je me doute qu'elle m'a attendu toute la nuit, son visage est fatigué et une tasse qui contenait probablement du café trône sur la table basse.

— Ça va ? s'enquiert-elle en s'immobilisant à quelques pas de moi.

— Ça va. Et toi ?

— Ça va... Qu'est-ce qui s'est passé ?

— Je me suis fait avoir comme un con.

Je ferme la porte d'entrée et la rejoins en deux enjambées.

— Raconte-moi...

— Quand j'ai sonné, il a mis une plombe à répondre. Ensuite, il a décidé de me retrouver en bas de son immeuble et m'a provoqué lorsque je lui ai demandé de me donner l'enregistrement, en m'affirmant que je me frottais à plus fort que moi. Je t'avais promis de ne pas lui foutre mon poing dans la gueule, sauf qu'il a commencé à parler de mon père et j'ai vrillé. De là, la situation a dégénéré. Non seulement un journaliste people a mitraillé la scène, et je suis sûr et certain que c'est cet enfoiré qui l'a contacté, mais en plus les flics ont débarqué parce que sa voisine leur a téléphoné. Et si tu veux mon avis, c'est pour cette raison qu'il a autant tardé à répondre. Il était en train de lui retourner le cerveau.

— Ça ne m'étonne malheureusement pas de lui. Il a toujours un coup d'avance.

— Ouais, il est malin, on ne peut pas le lui enlever... Je suis désolée de ne pas être venue te chercher à la gendarmerie, Max a insisté pour que je t'attende à l'appart. Il ne voulait pas que ça réveille de mauvais souvenirs, tu sais à cause de ce qui s'est passé avec Leslie, et...

— Kat, ne t'excuse pas. Il a eu raison.

Nous restons silencieux, le regard rivé l'un à l'autre, à nous dévisager. Nos respirations emplissent la pièce et je n'entends plus qu'elles.

Par la fenêtre du salon, l'éclat délicat du soleil matinal se déverse en une longue traînée scintillante, révélant les légers grains de poussière qui lévitent autour de Katarina telle une poudre d'or. Elle a l'air d'un être féerique auréolé de lumière.

À cet instant, le décor qui l'entoure me la présente comme une personne à part. Aujourd'hui plus que jamais, je vois en elle la chance de ma vie. J'ai conscience pourtant de m'attacher trop vite, qu'elle ne partage sûrement pas mes sentiments. Mais j'ai aussi l'intime conviction que notre rencontre a un sens. Et si ce n'est pas le cas, alors j'aimerais lui en donner un.

— Kat... murmuré-je en plongeant encore plus profondément dans le vert pâle de ses iris.

— Oui ? m'encourage-t-elle sur le même ton.

Je me rends soudain compte qu'il n'y a rien à dire, ou plutôt, que je n'ai pas envie de parler. Que les mots ne peuvent pas exprimer ce que j'éprouve. J'ai eu beau lutter ces derniers jours pour garder le contrôle, quitte à essayer de me voiler la face, à présent la réalité me rattrape.

DERRIÈRE NOS MASQUES ( /Les voix des sirènes )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant