63. Katarina

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J'ai récupéré mes affaires au vestiaire et me suis empressée de quitter la boîte tout en envoyant un texto à Maxime pour le prévenir de mon départ. Ensuite, j'ai essayé d'appeler Johan, mais évidemment, il n'a pas répondu. Il faut absolument que je le retrouve, je refuse de le voir m'échapper une nouvelle fois sans même lui avoir parlé. Aux grands maux, les grands remèdes ; je retire mes escarpins, puis me mets à courir pieds nus à travers les rues de Nice.

Je cherche d'abord dans les environs de la boîte, puis je me rends à mon appartement avec l'espoir de le trouver devant la porte de mon immeuble. Mais il n'est pas là.

— Putain de mec orgueilleux et arrogant ! m'écrié-je pour moi-même, furieuse, en grimpant quatre à quatre mes escaliers.

Je suis essoufflée et j'ai mal aux pieds. Ils doivent être noirs de crasse. Je tente de mettre de côté le fait que j'ai sans doute marché dans des crachats séchés et même de la vieille urine, tout ça pour essayer de retrouver un homme qui ne cesse de fuir. Les rares passants que j'ai croisés durant mon épopée ont dû me prendre pour une folle, mais ma dignité a connu pire.

Je m'empresse d'attraper une paire de baskets, balance mes talons devant mon placard à chaussures et décide d'aller voir du côté des plages. C'est le seul endroit où je peux encore le trouver.

Le cœur gonflé d'espoir, je joue ma dernière carte.

*

Quand j'arrive près du rivage, je prends quelques secondes pour scruter les environs, habituant mes yeux à la douce obscurité. J'aperçois des gens qui se promènent, mais pas de personne seule. Il me faut marcher un peu avant de découvrir une silhouette isolée, assise sur les galets, non loin de la mer. Les battements de mon cœur s'accélèrent, car je suis presque certaine qu'il s'agit de lui.

Je m'approche aussi discrètement que possible, cependant les irrégularités des galets m'offrent un mauvais équilibre et je trébuche à deux reprises.

Lorsque je me tiens enfin à quelques pas de la silhouette, un parfum mélangé aux subtils embruns salés de la Méditerranée me parvient, et je n'ai plus le moindre doute. Peu d'hommes de vingt et un ans portent l'enivrant Habit Rouge de Guerlain.

Je reste un instant pétrifiée, à le contempler dans le clair de lune. L'astre est plein au trois quarts, me permettant de le distinguer aisément.

Comme s'il avait perçu ma présence, Johan porte ses mains à ses oreilles, et je comprends qu'il retire sa paire d'écouteurs.

J'attends ce moment depuis si longtemps. Deux mois. Deux mois d'absence. Deux mois de silence. Ce n'est peut-être pas grand-chose dans une vie. Mais ça m'a semblé durer des années.

Un flot d'émotions m'envahit, je ne sais plus si je suis heureuse ou en colère, si je l'aime ou si je le hais.

Alors que mon cerveau est en plein conflit, mon corps, lui, a besoin de le retrouver. Je franchis les derniers mètres qui nous séparent et m'accroupis dans son dos.

Seul le bruit du sac et du ressac comble le vide qui nous entoure, comme si en dehors de cet élément, le reste du monde s'était figé.

Mon souffle chatouille la nuque de Johan. Il tressaille en réponse et un long soupir lui échappe.

Il m'a tellement manqué.

Je meurs d'envie de l'attirer à moi pour le serrer dans mes bras et lui murmurer combien je l'aime. Mais la douleur de son départ est toujours aussi vive dans ma poitrine, et aujourd'hui, elle a besoin de s'exprimer. Il s'en est allé sans un mot, sans se retourner.

Il m'a laissée tomber en plein chaos.

J'ai beau comprendre ses raisons, j'aurais voulu qu'il me garde une place dans sa vie. De toute évidence, il était plus simple pour lui de me tenir à l'écart.

Je me penche davantage vers sa nuque, mon nez vient frôler ses cheveux, il tremble à nouveau. Son odeur m'enivre, me donne envie de goûter sa peau.

Je ferme les yeux, et accompagnée par le léger clapotis des vagues, j'attends. 

DERRIÈRE NOS MASQUES ( /Les voix des sirènes )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant