66. Katarina

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Tandis que Johan fixe silencieusement la mer depuis plusieurs minutes, méditant probablement sur mes dernières paroles, je retire ma veste que je dépose près de lui, enlève mes baskets, puis me dirige vers les vaguelettes afin de me nettoyer les pieds.

Je suis toujours en train de frotter ma peau quand je l'entends se rapprocher de moi. Je relève la tête et lui souris.

— Où est ton téléphone ? s'enquiert-il.

Je lève un sourcil circonspect.

— Dans la poche de ma veste. Pourquoi ?

Cette fois, ce sont ses lèvres qui s'étirent.

Je comprends trop tard. Aussitôt, j'ai un geste pour regagner le rivage, mais Johan me ceinture et me renverse. Nous tombons tous les deux dans l'eau.

— Putain, Johan ! m'écrié-je en émergeant des flots.

— Ça fait circuler le sang !

J'ignore si c'est dû à la surprise, à la fraîcheur de la mer ou à toutes les émotions accumulées durant cette soirée, mais j'éclate de rire. Johan me fixe d'un air canaille, avant de m'attirer à lui pour déposer un chaste et long baiser sur ma bouche.

— On devrait sortir avant qu'on nous vole nos affaires, déclaré-je quand nous nous séparons.

Il n'est pas rare de se faire dépouiller de ses effets personnels, ici, que l'on soit touristes ou Niçois. D'ailleurs, une des plages qui jouxtent la promenade des Anglais, plus précisément une du quai des États-Unis, a été surnommée « la plage des voleurs » dans un journal de la ville. En théorie même, il n'est pas autorisé de fréquenter les plages entre vingt-deux heures et sept heures du matin, cependant les gens bravent quotidiennement cet interdit.

Nous quittons donc la mer pour récupérer nos vestes et nos chaussures que nous gardons à la main. Le vent fouette nos corps détrempés, aussi, afin de rentrer au plus vite, nous nous mettons à courir avec maladresse sur les galets, ruisselants. Nos vêtements, collés à notre peau, nous empêchent de nous déplacer avec aisance. Lorsque nous arrivons sur les trottoirs éclairés qui bordent la promenade, nous sommes déjà à bout de souffle et frigorifiés. Les gens que nous croisons nous jettent des regards perplexes, certains sourient, amusés.

Je tourne la tête vers Johan qui, figé, scrute mon visage. Il semble chercher à deviner mes pensées. Mes dents claquent un peu, je frissonne et mes habits gouttent tout autour de moi. J'ai sûrement l'air ridicule, mais ça m'est égal. Car, en cet instant, trempée comme une soupe face à l'homme que j'aime, je me rends compte que cela fait deux mois que je ne me suis pas sentie aussi heureuse.

Un courant d'air vient me cingler les bras, me reconnectant au présent.

— Viens.

Nous nous remettons à courir, et quand, enfin, une quinzaine de minutes plus tard, nous arrivons près de mon appartement, j'ai l'impression d'avoir participé à Koh-Lanta.

Nous montons rapidement les escaliers. Sur le palier, je peine à introduire ma clef dans la serrure tant mes doigts tremblent. De l'autre côté du battant, Gipsy s'en donne à cœur joie, heureuse de m'entendre rentrer. Si elle ne réveille pas tout l'immeuble, j'aurai de la chance. Dès que je parviens enfin à ouvrir, ma chienne nous accueille avec un tel enthousiasme que je reste un instant attendrie à sa vue. Je perçois alors le son métallique d'un verrou, puis...

— C'est pas bientôt fini, ce bordel ? Ah qu'il va la fermer, le cabot ? s'écrie Johnny en apparaissant sur le seuil de son logement.

— Je suis désolée, monsieur Lambert.

DERRIÈRE NOS MASQUES ( /Les voix des sirènes )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant