Tandis que je patiente sur le trottoir, je sors mon téléphone de mon sac à main et consulte l'écran. Pas de nouveau message. Il est plus de vingt heures. Maxime devrait arriver d'une minute à l'autre, il est prévu qu'il passe me chercher en voiture pour aller au bar, puis nous nous rendrons en boîte, plus tard dans la soirée. Si, au départ, je n'étais pas forcément emballée par cette idée, à présent, j'ai complètement changé d'avis.
Quand je suis rentrée à l'appartement et que je me suis isolée dans ma chambre, j'ai eu droit à un opéra privé de la part de Pétronille au rythme du sommier qui grinçait, à l'agonie, et de la tête du lit cognant contre le mur.
J'ai donc décidé de trouver refuge dans la cuisine pour échapper au tapage de la scène bucolique qui se déroulait de l'autre côté de la cloison. Johan était déjà sorti et un coup d'œil critique au bazar régnant dans son espace – chaussettes abandonnées, vêtements en boule, draps défaits – m'a suffi pour choper un début de migraine. Une poignée de minutes plus tard, Grégoire a débarqué en boxer afin de se servir à boire. Il a descendu ma bouteille d'eau, et je n'ai pu m'empêcher d'admirer son torse parfait et transpirant ainsi que son cul de dieu grec.
Puis ce connard m'a adressé un sourire aguicheur tout en me dévorant sans scrupule de ses yeux trop bleus. Enfin, il est passé le plus près possible de mon corps de façon à frôler mes habits, créant un petit courant d'air qui m'a recouverte de frissons, avant de partir rejoindre ma colocataire, me laissant me débattre avec un mélange de dégoût envers moi-même et de frustration.
Le trouble qu'il m'inspire me pousse à maudire cette espèce d'adonis en slip, mais je suis aussi furax contre mes émotions – je me frapperais. Je ne comprends pas qu'après tout ce temps, cet enfoiré puisse encore me faire un quelconque effet. Me remémorer la façon dont il m'a trahie, sans la moindre hésitation, devrait être une piqûre de rappel capable de me raisonner.
La mort dans l'âme, je me suis donc tournée vers le seul allié susceptible de m'épauler, mon cher Malibu. Je me suis servi l'équivalent d'un shot, seulement avant de boire, il me fallait dîner. En ouvrant la porte du réfrigérateur, j'ai découvert un morceau de papier avec mon nom inscrit dessus, posé sur une assiette enveloppée dans du film alimentaire. Johan m'avait préparé à manger ! Quelle délicate attention ! Dès la première bouchée, j'ai soupiré de satisfaction : sa salade niçoise était à tomber...
Mon repas terminé et deux verres plus tard, me voilà donc attendant sur le trottoir, en bonnes conditions pour débuter ce vendredi soir. Pas saoule, mais survoltée !
J'emmerde Grégoire, son emprise et son physique de rêve, je suis une femme forte et indépendante, je ne me laisserai pas gouverner par mon idiot de cœur et mes stupides hormones, et j'autoriserai encore moins le passé à venir me hanter.
Même si ce n'est pas aussi facile à mettre en œuvre qu'à dire. Car évidemment, malgré toute la noirceur de notre relation, j'ai de bons souvenirs avec Grégoire, sinon je n'aurais rien à quoi me raccrocher. Il ne s'est pas contenté de me prendre pour une conne et de me blesser.
Non.
Bien sûr que non.
Il a fait pire.
Ce salaud m'a littéralement envoûtée.
Sinon, comment aurait-il pu me prendre la main et me conduire au bord d'un précipice en me convainquant de sauter avec lui dans un abîme plus sombre que les Enfers ?
J'ai été entre ses doigts un instrument qu'il maîtrisait à la perfection.
Il m'a cueillie quelque temps après la tragédie qui m'avait crevé le cœur, et à ce moment-là, je me croyais morte à l'intérieur. J'avais besoin de sentir à nouveau mon palpitant s'emballer, que chaque battement résonne au fond de mon corps jusque dans mes tympans. Alors oui, je me suis laissé attirer par le vide. Il était si beau, plein de promesses. Il avait la couleur flamboyante de la renaissance. Je suis tombée amoureuse, sans filet, je ne voulais pas qu'on me retienne. La chute a été grisante... L'atterrissage, d'une rare violence.
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DERRIÈRE NOS MASQUES ( /Les voix des sirènes )
RomanceLorsque Johan et Katarina se rencontrent, ils éprouvent aussitôt un profond mépris l'un envers l'autre, chacun étant campé sur ses préjugés. Forcés de cohabiter durant quelques semaines, ils vont peu à peu découvrir que derrière la colère et l'arro...