DERRIÈRE NOS MASQUES ( /Les voix des sirènes )

2.Katarina

— Putain... bougonné-je en voyant débarquer Pétronille et sa bande de copines.

Pas moyen de lui échapper, elle est partout !

Je les regarde, elle et ses amies, se frayer un chemin dans la salle en sirotant mon verre.

Tiphaine, grande blonde au teint clair et au physique parfait, même pas refaite – vous croyez vraiment qu'il y a une justice dans ce monde ? –, Céline, brune, peau hâlée, yeux de biche et taille de guêpe, et enfin Nicole, typée afro, les iris d'un bleu extraordinaire, un corps de rêve aux proportions scandaleusement idéales – est-elle réelle ? –, marchent presque au ralenti entre les tables. Manquerait plus que les gens tournent la tête en affichant un air sidéré par leur beauté, une musique d'ambiance, et nous voilà en plein remix de la pub Schweppes.

Sans savoir pourquoi je pense à ça en cet instant, je me rappelle soudain comment je me suis retrouvée à héberger Pétronille pour ce qui, au départ, n'était qu'un séjour temporaire. Après être sorti avec elle durant quelques semaines seulement, Maxime a eu la bonne idée de proposer à Pétro d'emménager chez lui. Sauf que quatre mois de vie commune assez houleuse plus tard, Cynthia, l'ex de mon meilleur ami, toquait à sa porte en pleurant. Elle venait de se faire larguer. Et lui, encore éperdument amoureux d'elle, lui a ouvert les bras en grand, trop heureux de pouvoir la consoler. Par la même occasion, il a décidé d'éjecter Pétronille de son appartement et de sa vie sans autre forme de procès. Du coup, à qui a-t-on demandé de l'aide ?

« S'il te plaît, Kat, fais ça pour moi ! Pétronille a rendu son studio, elle n'a nulle part où aller pour l'instant, et Cynthia revient vivre chez moi... »

Depuis, Cynthia a de nouveau quitté Max – ça doit être la quinzième fois en cinq ans –, et il s'est encore retrouvé tout seul avec le cœur brisé.

« Cette fois, c'était la dernière ! » a-t-il clamé quand je suis venue le ramasser à la petite cuillère, le jour où elle a déserté.

Au fond, je comprends la tentative désespérée de mon meilleur ami d'aller de l'avant, même si sa précipitation l'a rendu très maladroit et irrespectueux envers ma coloc. Maxime est fou d'une fille qui ne ressent pas pour lui le quart de ce qu'il éprouve pour elle, et il en a conscience. Il a juste essayé de se reconstruire en se donnant une chance avec Pétronille. Ensuite par contre, il a complètement merdé...

— Je me demande si je n'aurais pas dû la garder encore un peu... commente Maxime en contemplant la jeune femme.

— Excuse-moi de te le dire, mais je crois que tu as grillé toutes tes cartouches.

— Tu as raison. Je devrais peut-être tenter le coup avec Nicole. Elle est vraiment canon. Et puis...

Je décroche immédiatement. Parce que la seule chose qui a changé entre son discours d'aujourd'hui et celui d'hier, c'est sa cible. Il faudra que je lui explique un jour qu'il n'est pas obligé de me mentir à moi, à défaut de se mentir à lui-même. Je sais pertinemment que son obsession de la conquête a pour unique but de soigner son orgueil blessé.

À peine les filles se sont-elles installées à leur table, qu'un léger brouhaha s'élève.

— Qu'est-ce qu'il y a ? s'interroge Maxime en fouillant les lieux du regard.

— La star de la télé-réalité vient d'arriver, j'imagine.

— Quoi ?

Je lui résume ma conversation matinale avec Pétronille.

— Intéressant, commente-t-il quand j'ai terminé.

— Tu trouves ?

— Carrément, puisque tu n'as pas le droit de le toucher.