55. Katarina

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— Katarina... souffle une voix que je ne connais que trop bien.

Suis-je en train de rêver ou est-ce réel ? J'ai l'impression d'être en plein cauchemar, et en même temps, la situation est tellement grotesque...

Je lève la tête ; il se tient là, devant moi, à me couver d'un regard presque amoureux. J'en frissonne de terreur.

— N'aie pas peur, je te ramène chez toi.

Il se penche vers mes poignets, je sens le lien trembler un instant contre ma peau, puis mes bras retombent brutalement le long de mon corps. Il vient de me libérer.

— Allons-y.

Je n'ai pas le temps de bouger pour délasser mes muscles douloureux qu'il me soulève et m'emporte loin de ce lieu maudit. Je m'accroche à son cou comme à une bouée de sauvetage. Triste ironie.

— Je n'ai pas confiance en toi, articulé-je d'une voix nouée, la joue calée contre son épaule.

Pourtant je m'en remets à lui, épuisée.

— Et tu as raison, murmure-t-il en retour.

Quelques secondes plus tard, il me dépose dans sa voiture. Je retire aussitôt mon débardeur éventré puis me recouvre la poitrine du tissu lacéré en le passant dans l'autre sens, de façon à ce que le dos du vêtement se trouve devant.

Grégoire prend place derrière le volant ; l'angoisse me noue les tripes.

J'inspire profondément afin de me calmer, priant tous les dieux de toutes les civilisations de ne pas être retombée dans l'un de ses pièges sordides. De toute façon, que puis-je faire pour lui échapper ? J'ai à peine la force de marcher.

— C'est fini, Kat. Je te le promets.

— Tu m'as déjà dit ça.

La berline démarre, mes yeux sont rivés sur la route. Je sens l'asphalte défiler sous les roues. Je pourrais basculer dans le sommeil en un instant tant je suis éreintée et j'ai mal au crâne, mais mon instinct m'en empêche. La peur est la seule chose qui me tient éveillée.

De longues minutes plus tard, j'ai néanmoins l'agréable surprise de me retrouver à une cinquantaine de mètres de mon immeuble.

Je devrais essayer de fuir au plus vite, cependant, je demeure figée. J'ai besoin de savoir.

— Pourquoi ?

Un rire désabusé lui échappe. Il plante son regard dans le mien et me sonde avec intensité.

— Parce que je t'aime, Katarina. Et que je veux rester le seul à t'avoir arraché les ailes.

J'ai beau être habituée à ce genre de déclarations de sa part, mélangeant affection et cruauté, je ne peux m'empêcher de frissonner.

— Je quitte Nice.

Sa phrase retentit comme un feu d'artifice dans le silence de l'habitacle. Un feu d'artifice crépitant d'espoir.

— Où tu vas ?

Il sourit dans la pénombre.

— Tu ne crois tout de même pas que je vais te le dire ?

Évidemment.

— Loin des yeux, mais près du cœur. Je sais que tu ne m'oublieras pas, déclare-t-il, confiant.

Il se penche vers moi et dépose un délicat baiser sur ma joue. Je ne bouge pas d'un pouce, seule ma peau est prise de tressaillements.

Ses lèvres effleurent mon visage, puis il tourne la tête et fixe la route, comme si me regarder était devenu trop douloureux.

DERRIÈRE NOS MASQUES ( /Les voix des sirènes )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant