DERRIÈRE NOS MASQUES ( /Les voix des sirènes )

40. Johan

J'ignore l'heure qu'il est quand je sors de la cellule où j'ai passé la nuit. Après un rappel à la loi, on me rend mes affaires en m'adressant à peine un regard, comme si j'étais un moins que rien. J'ai essayé d'expliquer la situation aux flics dans la voiture qui me conduisait au commissariat, mais ils ne m'ont pas pris au sérieux. Même après m'avoir testé et obtenu la preuve que je n'étais sous l'emprise d'aucune substance. Ils ont sans doute songé, ainsi que Grégoire l'avait affirmé, que j'étais en manque de « lumière » et prêt à tout pour revenir sous le feu des projecteurs.

Mais qui voudrait se faire photographier en train de se battre avec un mec et s'afficher ainsi aux yeux de la France entière ?

Cette image d'ancien candidat de télé-réalité me colle à la peau. Je ne parviendrai jamais à m'en débarrasser, je dois me rendre à l'évidence. Ma participation à cette émission m'a retiré toute crédibilité. Quelque part, je l'ai bien cherché.

— Un ami vous attend, me déclare un des flics.

En effet, en arrivant dans le hall, je découvre Maxime.

— Salut... Merci... d'être venu...

— Pas de quoi. Allez, on bouge. Kat t'attend à l'appart. Je suis passé te récupérer dès que j'ai pu. Ça fait un bail que je poireaute.

— Désolé.

— Pas grave, t'inquiète.

À peine avons-nous posé un pied hors du commissariat, que des crépitements retentissent et des flashs nous illuminent. Les voix de quelques paparazzis s'élèvent alors que nous regagnons la voiture de Max au pas de course.

— Johan, qu'est-il arrivé hier soir ?

— On vous a vu vous battre. Était-ce à cause d'une femme ? Les conséquences d'une soirée trop arrosée ?

Ils se mettent à nous barrer le passage pour me forcer à répondre. La colère qui vit perpétuellement en moi menace de s'exprimer à nouveau. Et en même temps, j'ai honte d'infliger tout ça à Maxime.

— Cassez-vous, bordel ! rugit le meilleur ami de Kat. Bouge, Johan, ma caisse est là...

Nous nous hâtons de monter dans la voiture, poursuivis par les paparazzis.

— Johan, une réponse ! insiste un des journalistes people en tapant contre la vitre.

Maxime fait gronder le moteur pour les inciter à s'écarter, recule vivement afin de s'extraire de sa place, puis s'insère à toute allure dans la voie de circulation. Me calant contre le siège, je pousse un profond soupir de soulagement.

— La voiture de Kat est garée près de l'immeuble de Grégoire. Je ne peux pas la laisser là-bas, me rappelé-je soudain.

Heureusement que j'ai emprunté sa Deux CV hier, sinon c'est Kat qui serait venue me chercher avec ce matin. Malgré la situation, je réprime un sourire en imaginant la scène. La vieille Charleston jaune et noire démarrant en trombe dans un boucan d'enfer, tel un gros bourdon, pour tenter d'échapper aux paparazzis. Épique.

— Alors tu veux que je t'emmène ou pas ? s'enquiert Maxime.

Apparemment, il me pose la question pour la seconde fois.

— Ouais, s'il te plaît.

— Ça marche.

Le silence retombe dans l'habitacle tandis que je me mets à cogiter.

La situation est chaotique. L'ex de Katarina nous fait du chantage, et ce type est sans aucun doute un taré. La presse people a été appelée par ce même connard et ne me lâchera pas les basques de sitôt. Encore plus si Grégoire décide de me balancer en pâture à ces vautours.