3. Le manoir des Bartholy

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       Drogo a une belle gueule. C'est indéniable. Par contre, s'il continue à me réduire à un objet, ça ne va pas le faire. Je sens déjà l'agacement monter en moi, et l'exprime avec mon éternel sarcasme. Ce serait dommage de me mettre à dos un de mes employeurs avant même de commencer.

   - Comment puis-je entrer dans votre humble demeure ? je lâche, accompagné d'un énorme faux sourire.

   - Seulement si vous avouez être ma petite chose, il dit d'un ton nonchalant.

   - Pourquoi ce surnom humiliant, monsieur Bartholy ? je m'exclame, énervée. Je ne sais pas qui ou quoi vous a fait penser que c'est une bonne idée de donner un surnom aussi réducteur à une femme que vous venez de rencontrer, mais il avait tort.

   - Jolie petite chose, il murmure.

       Donc, dans la logique drogolienne, une insulte accompagnée d'un compliment en devient affectueuse. Bien sûr. Il s'avance de quelques pas vers moi. Je lève les yeux au ciel. Si cliché... Voyant qu'il est bien décidé à continuer, je me recule jusqu'à rencontrer le mur qui servait de support à ce scarabée que j'ai failli toucher. Il pose une main à côté de ma tête. Je lui jette un regard noir qui exprime clairement que je n'aime pas son audace, et plus particulièrement ce qui est en train de se passer. Le portail finit par s'ouvrir. Je suppose que quelque chose à côté de ma tête l'y a aidé. Il retire finalement sa main en haussant les sourcils avant de se positionner devant la porte pour me laisser passer. Il essaie d'être galant maintenant ?

   - Je le suis toujours, il répond.

   - Pardon ?

   - Nicolae n'est pas là, il continue en évitant ma question. Ni Peter et Lorie d'ailleurs.

       J'assimile rapidement les informations. Ah oui, c'est vrai. Nicolae, Peter et Lorie sont les autres résidents.

       Nous traversons la cour et montons les marches du porche en silence. Il pousse les portes du manoir à l'aide de sortes de poignées en forme de tête de gargouille. C'est terrifiant.

   - Merci de m'avoir accompagnée jusqu'ici, mon noble employeur, je dis en reprenant mon rôle pour éviter la gêne que je ressens. Vous pouvez seulement m'indiquer où se trouve ma chambre.

   - Je vais vous y emmener directement.

       Je lui jette un regard en biais. Il le fait aussi. Je ressens alors une contraction dans mon ventre. Mince, il est beau, c'est sûr, mais je mérite mieux que ça. Je détourne le regard et escalade lentement les marches recouvertes d'un tapis rouge. On se croirait dans un palace. Un palace lugubre. Je sens son regard brûlant dans mon dos. S'il pouvait arrêter de me fixer, ça me ferait grandement plaisir.

       Nous arrivons finalement à l'étage. Nous traversons tout le couloir où je vois plusieurs portes toutes similaires.

   - Voici votre chambre, petite chose.

       Je lève les yeux et grogne. Tout compte fait, je crois qu'il ne pense pas à mal avec ce surnom, mais ça reste tout de même très embarrassant de la part d'un parfait inconnu.

       Ma chambre n'a rien à voir avec le reste du manoir. Le style est globalement minimaliste et il y a beaucoup de miroirs. Elle est très grande, aussi. Au milieu de la pièce, trône un grand lit deux places parfaitement fait. J'aperçois à travers la fenêtre une forêt. Leur forêt ? Il y a également des coussins sur le rebord et je me vois déjà y lire des heures durant. Enfin, de l'autre côté d'un tapis, se trouve un beau bureau à plusieurs rangements qui me semble parfait pour les études que je vais poursuivre. Il y a également une autre porte, révélant l'existence d'une salle de bain personnelle, à mon grand bonheur.

       Je me suis inconsciemment approchée de la fenêtre, et suis déjà assise sur les petits coussins. Drogo me suit et s'installe en face de moi. Mon regard est porté sur la forêt dense et noire, mais je vois tout de même monsieur Slip dans mon champ de vision. Il me détaille du regard, s'attarde sur mes vêtements, mes cheveux, mon visage. Je porte une robe fleurie dévoilant mes épaules.

   - Merci encore de ton accueil, je dis en reprenant mon comportement habituel, mais je peux me débrouiller maintenant. Tu peux y aller.

   - Tant que Nicolae n'est pas là, je n'ai pas à obéir.

   - Ce n'était pas un ordre, je marmonne agacée. C'était une demande.

       Je me relève et le saisis par le bras pour le relever lui aussi. Cependant, il ne bouge pas d'un millimètre. Après l'avoir insulté de tous les noms dans mes pensées, je me rends enfin compte de la froideur de ses membres. Il est totalement glacé. Je retire aussitôt ma main.

       Je le dévisage quelques secondes alors qu'il ne tourne doucement son regard vers moi. Je prends sa main qui n'est, elle, pas cachée sous une couche de tissus, et découvre alors qu'elle est encore plus gelée.

   - Pourquoi... tu ? je balbutie.

   - Je ? il dit, ne semblant pas comprendre.

   - ... es très froid, je finis à mi-voix.

       Il retire aussitôt sa main avant de se relever, visiblement gêné. Je le fixe, intriguée. Je suis en robe d'été et j'ai encore chaud. Ça n'a aucun sens...

   - Ai-je dis quelque chose qu'il ne fallait pas ? je demande

       Malgré son comportement, je m'inquiète. Il n'est pas méchant, il ne sait juste pas comment s'y prendre visiblement. Je sens qu'il joue un rôle avec ses airs de je m'en foutisme.

   - Oui, il répond en détournant le regard.

   - Je... pardon ? Une maladie ? je demande ne sachant même pas si une maladie a ces mêmes symptômes.

   - Non, il dit sèchement avec un regard fuyant.

   - Mais... alors quoi ?

       Il prend mes deux mains dans les siennes et les jette par-dessus ses épaules avant de ma plaquer contre le mur. Il rapproche son visage, et je recule le mien. Demande mon consentement avant, non ?

   - Tu as peur ?

   - Je suis censée avoir peur ?

   - A toi de me le dire, il murmure toujours plus près.

   - Ça va devenir une habitude, tout ça ? je demande en faisant référence à lui, si proche de moi.

   - Seulement si tu le souhaites.

       Je pousse un léger soupir, avant de le repousser. Il se laisse étonnamment faire. Après avoir retrouvé une distance de sécurité convenable, il me ressaisit la main, cette fois pour me relever du mur contre lequel il m'avait plaquée.

       J'entends un léger bruit en-dehors de la pièce. Quelqu'un toque. Drogo me lâche la main avant de s'éloigner et de s'adosser sur le même mur contre lequel j'étais quelques secondes plus tôt. Je clame « entrez ! ».


Chapitre écrit le 20 mai 2020.

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GROS BISOUS (je lis les coms)


Chapitre publié le 18 novembre 2020.

Le prochain chapitre sera (si je n'arrive pas avant) publié le 19 novembre vers 17h.

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