Plus que l'amour lui-même

36. Essais

        Sarah et moi sommes dans la forêt des Bartholy. Nous sommes le lendemain de la découverte de mon élément : l'eau. Après avoir survécu à mon saut de la falaise, ma sorcière a réussi à me ressortir de ce monde psychologique dans lequel je m'étais plongée. Elle ne s'attendait pas du tout à ce que l'on réussisse du premier coup.

       Mon amie m'a aussi prévenue que je ne reverrai pas Hedwige dans les prochains jours. Elle venait me voir aussi souvent pour entretenir et conserver le lien qui nous unit. En participant à la découverte de l'élément auquel je suis reliée, elle a rendu ses prochaines visites presque inutiles. Il est donc très probable que je ne la revoie pas avant un petit moment. Bien que cette idée m'attriste un peu, je me rends compte que je n'aurai pas tant le temps d'y penser. Je vais être bien occupée avec la sorcellerie et le beau vampire que j'embrasse quotidiennement.

       En rentrant hier, j'ai annoncé aux Bartholy les résultats de ce test. Ils étaient très heureux pour moi et semblaient attendris devant mon excitation. J'ai ensuite demandé la permission à Nicolae de faire des essais dans la forêt. Permission qu'il m'a chaleureusement donnée. J'ai cependant dû un peu négocier, puisqu'en bloquant une seconde journée, je manquais à mon rôle de fille au pair. Le contrat stipulait que je devais plus m'occuper de Lorie que ce que je fais. J'ai réussi à le convaincre, en mettant en avant le fait que je venais de découvrir ma vraie nature, mon identité, et que j'estimais légitime de me laisser l'explorer à mon aise. Je suis un peu manipulatrice, puisqu'à la fin de ce débat, le frère vampire s'est excusé d'avoir voulu m'en empêcher. Le contraste entre ce que je m'imaginais de leur nature et ce qu'ils sont vraiment, est vraiment impressionnant. Ils sont très doux.

       Quoiqu'il en soit, nous voici donc plongées dans les profondeurs de la forêt, à l'abri de toute distraction. Sarah a amené tout un kit pour m'aider à faire mes premiers pas dans la sorcellerie, aux côtés de mon élément. Aujourd'hui, je dois faire apparaître de l'eau sur mon pendentif.

       Hier, mon amie m'a expliqué que l'élément auquel on est liées apparaît sur notre collier porte-bonheur. Elle a bien insisté sur le fait qu'il apparaissait réellement. Par exemple, en touchant la flamme sur le bijou d'une sorcière liée au feu, on se brûlera.

   - Je t'ai déjà dit que je suis liée à l'électricité, commence Sarah. J'ai donc un éclair sur mon pendentif. Quand on le touche, on est électrisé. Bien électrisé et pas électrocuté. Il n'y a pas assez d'énergie dedans pour te tuer. Tu veux toucher ?

       J'acquiesce et m'approche doucement d'elle. Je prends son pendentif dans ma main. L'éclair qui y est dessiné est très stylisé. On dirait qu'un artisan l'a fait. Quelqu'un n'ayant rien à voir avec la sorcellerie pourrait très bien le porter par sa simple beauté.

       Je pose finalement un doigt sur le symbole. Je sens aussitôt l'électricité passer dans mon corps. C'est vraiment impressionnant. Mon collier le sera beaucoup moins, puisque je ressortirai simplement avec un index humide.

       L'exercice est simple : faire apparaître de l'eau. Plus facile à dire qu'à faire, malheureusement. Nous nous sommes installées près d'un petit point d'eau. Pour que je réussisse l'exploit ultime qu'est de créer de la matière, je dois d'abord commencer par la faire bouger.

       C'est après une dizaine d'essais que je réussie à créer de petites vagues. Elles sont si petites que les nénuphars posés à la surface restent parfaitement secs. Aucune éclaboussure. On pourrait croire que le vent fait juste des siennes.

    - Bon, souffle Sarah frustrée, tu es trop calme. Une fois que tu seras connectée, tu pourras parfaitement utiliser l'élément. En quelques sortes, là il ne sait pas encore que tu es liée à lui. Il faut que tu lui fasses savoir. Essaie de te concentrer sur des émotions puissantes. Que ce soit de la haine, de la joie pure, de la tristesse ou du désir, peu importe. Il faut que ce soit un sentiment que tu ne peux pas contrôler.

       J'acquiesce, encore plus excitée par la suite des évènements. Du désir hein ? J'en ai tout un stock rien que sur moi. Ça va être plus simple que prévu, finalement.

        Je plonge ma main dans l'eau froide, avant de la ressortir. J'effleure ensuite simplement le liquide du bout des doigts, tout en effectuant de petits cercles dans l'eau. Je ferme finalement les yeux et essaie de me concentrer sur ceux d'un certain vampire.

        J'essaie de le visualiser en entier. Le fruit défendu. Celui auquel je rêve de goûter depuis une éternité. Je commence par le moins tentant. Je ferai son visage en dernier. Je visualise, tout en me mordant la lèvre, le bas de son corps. Ses longues jambes toujours coincées dans un jean slim apparaissent. Je lui dessine aussi un merveilleux fessier, tout en riant presque de mon attitude. C'est pathétique, mais qu'est-ce que c'est bon.

        Je continue à le visualiser. J'imagine son torse moulé dans son éternel pull blanc. Le tissu est un peu tiré sur son ventre, dû à sa posture, et l'on peut presque distinguer des abdos au travers du tissu. Je continue avec ses larges épaules et ses bras musclés terminés par ses grandes mains pâles. J'aime les mains. J'aime encore plus les mains de Drogo. Je visualise alors de longs doigts avec des articulations bien marquées. Un vrai fantasme.

       Son cou arrive finalement. Je vois sa pomme d'Adam juste assez marquée, puis les traits fins de son visage. Ses lèvres fines et rosies, son petit nez, son unique fossette. Ses cheveux arrivent enfin, et ils sont tout aussi parfaits qu'en vrai : blond platine, longs et soyeux.

        Je finis de voir chaque détail, et une fois que j'ai créé un parfait Drogo, je m'attaque enfin à ses yeux.

       Je sens l'eau autour de mes doigts s'agiter. Elle a commencé il y a longtemps, à vrai dire. Je sens que des vagues commencent à se former autour d'elle, et à chaque doigt agité, une plus grande encore se forme.

       Ses yeux, ses si beaux yeux. Je commence par former ses orbites, ses cils, le contour de ses pupilles. Je suis prise d'une soudaine audace irrépressible. Je suis sûre que lorsque je verrai ses prunelles, j'arriverai à faire apparaître de l'eau. Je retire donc ma main du liquide et me relève doucement, les yeux toujours fermés. J'ajoute finalement son atout le plus puissant, et une vague de chaleur m'envahit. Mon désir est à son paroxysme.

       Toujours en fixant ses pupilles fictives, je me concentre sur ma main qui formait des vagues quelques secondes plus tôt. Je sens toute mon énergie se réunir, avant de foncer rapidement dans mon poing. J'ouvre les yeux. Le vrai Drogo est là. Devant lui, ma main fait jaillir un énorme geyser. J'ai réussi.

Chapitre écrit le 12 juin 2020.

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Chapitre publié le 15 décembre 2020.

Le prochain chapitre sera publié le 16 décembre vers 19h.