Je veux savoir qui elle est (5/17)

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Loïc avait un stock de cellules de Liberté à étudier. Obtenir les résultats risquaient de prendre du temps : ce gène de la zombification lui était complètement inconnu. Il avait lu de nombreux articles des scientifiques de Dievex, mais cela ne suffisait pas. Il était face à un patrimoine génétique complètement inconnu. Le gène de la zombification aurait été facile à identifier chez un Chesnaien, mais chez une Dievexoise il y avait beaucoup trop d'inconnues concernant les autres gènes.

Il allait comparer les gènes de Liberté et ceux de sa mère : il avait besoin de cellule porteuses de la mutation pour effectuer les comparaisons. Et heureusement elle avait pensé à en apporter. Mais la tâche promettait d'être ardue, d'autant plus que la mère de Liberté n'était pas sa vraie mère, et que les différences entre elles risquaient d'être innombrables. Mais il finirait par trouver. Elle avait besoin de savoir. Et en attendant, elle resterait avec lui. Il aimait l'avoir dans sa vie : une inconnue pleine d'inconnues.

Mais lui parler n'était pas suffisant. Plus il lui parlait, plus sa curiosité augmentait. Elle était pleine de contradictions, et sa façon d'être était si étranges. Quels étaient ces gènes curieux qui la rendaient ainsi ? Les Dievexois les partageaient-ils tous ? Etait-elle porteuse de gènes qui pourraient se révéler profitables à Chesna ? Ou avait-elle des gènes qu'il faudrait surveiller pour empêcher leur survenue dans la population ? Les deux, assurément. Si seulement il avait eu plein de Dievexois à disposition, il aurait pu monter une véritable étude. Mais jamais les Dievexois n'accepteraient. Il se leurrait. Il ne faisait pas ça pour Chesna. Il savait bien qu'avec un seul sujet de recherche il ne découvrirait aucun nouveau gène, ni toxique ni intéressant. Il pourrait simplement savoir à quel point Liberté était similaire aux Chesnaiens. Il pourrait savoir quels traits auraient figuré sur les papiers de Liberté si elle avait vécu à Chesna.

Il avait besoin de le savoir. Avoir en face de soi au quotidien un être sans savoir qui il est : on ne sait pas comment se comporter, sur quel pied danser. Loïc ne savait jamais comment elle réagirait ; elle le surprenait sans cesse et il était incapable de prédire ses décisions ou d'adapter ses comportements. Leur relation était compliquée. Il avait accepté de l'héberger et de lui faire découvrir Chesna, de lui parler de leurs pratiques génétiques et de leur culture ; de lui faire découvrir son monde. Et cela se passait bien, mais il aurait voulu savoir à qui il avait réellement affaire. Il aurait voulu comprendre. Cette impression de ne rien comprendre à cette fille était insupportable. Il était sans cesse déstabilisé. Et elle, semblait ne même pas le remarquer. Chaque jour apportait son lot de surprises, et en un sens cela faisait plaisir à Loïc. Mais en même temps il était extrêmement perturbant de ne pas comprendre le pourquoi du comment.

A quoi bon résister ? Il savait qu'il finirait par regarder à un moment ou l'autre. Il était trop curieux. Mais la curiosité était une qualité. Puis de toute façon il ne l'avait pas choisie ; il était ainsi. C'était inévitable : il finirait par regarder. Alors pourquoi se torturer ainsi à reculer l'échéance qui de toute façon finirait par arriver ? C'était si simple. C'était son quotidien. Quelques expériences qu'il pouvait faire sans problème ; et il avait les éléments nécessaires à portée de main. Comment résister ? Non, il ne pourrait pas résister indéfiniment. Il en serait incapable. A ce moment précis, il n'y avait rien qu'il ne veuille autant que de comprendre Liberté, et il avait les moyens de le faire. Alors pourquoi s'en priver ?

Juste parce qu'elle le lui avait demandé. Mais ses raisons ne tenaient pas la route. Simples préjugés de Dievexois. Si elle ne voulait pas connaître ses gènes, il ne les lui dirait pas. Elle n'avait même pas besoin de savoir qu'il avait regardé. Mais lui, il avait le droit de savoir. Non, elle n'avait pas le droit de le priver ainsi de la Vérité. Elle n'avait pas le droit de l'empêcher de savoir qui était la personne qui dormait chez lui et avec qui il passait tout son temps libre. Il avait le droit de savoir quelle était sa véritable identité. La requête de Liberté n'était pas légitime. Il ne faisait rien de mal après tout. Il voulait juste la comprendre.

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