Je l'ai aimé je crois ; Loïc. Peut-être pas assez ; peut-être pas au point de l'épouser, pas au point de lui promettre de l'aimer pour toujours. Mais je l'ai aimé ; oui. C'est quoi l'Amour au juste ? Une de ces choses magnifiques qui caractérisent l'humanité pour la seule raison qu'elles acquièrent un sens différent d'une personne à l'autre. Personne ne peut savoir ce qu'est l'Amour parce que l'Amour peut être une infinité de choses. Et je ne peux même pas savoir ce qu'est l'Amour pour moi, parce que même juste pour moi il peut être une infinité de choses.
Non, je ne peux pas définir l'Amour. Mais je peux tenter de définir ce qu'était mon amour pour Loïc. Ce n'était pas le même que l'amour dont j'avais cru entrapercevoir la possibilité au détour de plusieurs rencontres. C'était, comme chaque amour, un amour unique. C'était la perception d'un potentiel infini en lui ; d'une liberté pareille à la mienne qui existait même s'il n'était pas capable de la reconnaître. C'était la perception de ce que notre relation aurait pu être ; d'un enrichissement mutuel qui aurait dépassé tout ce que l'on pouvait imaginer. Il y avait en lui quelque chose dont je n'aurais même pas pu rêver ; quelque chose qui me dépassait parce que c'était quelque chose qui me questionnait. Il y avait juste en lui quelque chose qui me parlait ; et aussi quelque chose qui me voyait. Et il y avait quelque chose qui me dérangeait dans la façon dont il me voyait ; mais je crois qu'au fond ça aussi faisait partie de son attrait. Il était une remise en question perpétuelle. Il était le symbole d'autres possibilités et d'une nouvelle liberté.
Aimer Loïc était liberté. C'était repousser les limites de mon univers. C'était remettre en question chacune de mes certitudes. C'était abandonner certaines choses que je croyais, et faire de la place pour de nouvelles idées. C'était voir tout l'univers sous un angle différent. C'était changer d'univers. C'était changer. Et le changement est liberté. Je ne me suis jamais sentie aussi libre que quand j'étais avec Loïc ; jamais sentie aussi Liberté. Je me sentais plus moi, en étant en même temps plus loin que jamais de tout ce que j'avais jamais été. Mon amour pour lui était, comme moi, né de la contingence. Et, comme moi, il était voué à mourir un jour. Sauf que, comme moi, il était entre temps destiné à devenir un zombie.
Cet amour était voué à mourir, parce qu'on n'était pas deux à vouloir le maintenir en vie. J'étais seule. Loïc ne m'aimait pas. Je n'ai pas été bête ; j'ai juste été humaine. Humaine de vouloir partager avec lui quelque chose de vrai. Humaine de vouloir rêver à un autre monde avec lui. Humaine de croire que cela pourrait marcher. Humaine de ressentir pleinement ce lien qui nous unissait. Humaine de croire que tout cela signifiait quelque chose. Humaine de voir le potentiel dans cette relation et en lui. Mais il n'a pas voulu laisser se réaliser ce potentiel ; et après tout je ne peux rien dire ; c'est son choix, sa liberté. Sa liberté qu'il a gâchée en l'utilisant à continuer d'être ce qu'il a toujours été, ce que d'autres ont déterminé qu'il deviendrait. Ce n'était pas de la curiosité : regarder mes gènes. Ce n'était pas une tentation à laquelle il n'avait pas d'autre choix que de succomber. C'était l'expression de ce qu'il avait choisi d'être : un Chesnaien lambda refusant de voir autre chose en moi qu'une curiosité scientifique.
Ce que j'ai ressenti pour Loïc, avec lui, était trop fort pour que je croie vraiment que ça a toujours été le cas, qu'il n'a jamais rien vu d'autre en moi qu'une curiosité scientifique. Je crois qu'il a vu plus ; perçu autre chose. Il l'a perçu et il a choisi de l'ignorer. Parce que s'il avait choisi de continuer de voir plus en moi, cela aurait impliqué de remettre en question tout ce qu'il avait toujours pensé jusqu'ici ; toute sa conception du monde. Moi, j'aurais pu passer ma vie à remettre en question ma conception du monde avec lui. On aurait fini par trouver un compromis ; une troisième voie, un équilibre entre ce qu'il était lui et ce que je suis moi ; une issue créative nourrie de nos différences. Je croyais que c'était possible. Peut-être que c'était juste un joli rêve. Peut-être que Loïc était juste un joli rêve. Mais Chesna telle qu'elle est est un cauchemar. Et il a choisi ce cauchemar plutôt que le rêve. En bon Chesnaien, il a choisi de laisser perdurer les choses telles qu'elles sont. Il a choisi la reproduction d'un modèle préétabli. Il a choisi l'ennui. L'ennui plutôt que la liberté. L'ennui plutôt que moi.
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Humains néanmoins
Ciencia FicciónIl est né avec collé sur son berceau une cartographie de son patrimoine génétique, choisi par ses parents et définissant dans les moindre détails qui il est destiné à devenir. Elle est née dans une couveuse artificielle, de la rencontre de deux gam...