Peut-être que j'ai été infectée par la mentalité de Chesna, ou peut-être que j'ai juste exercé ma liberté de remettre en question ma propre culture. Loïc a sorti l'argument de la liberté, et je n'ai pas pu résister. Parce que ça avait du sens ! Si nous sommes libres, ne sommes-nous pas libres de choisir ce que sera l'humanité demain ? Si nous ne pensons pas que le hasard fait bien les choses, pourquoi ne pas nous accorder le droit de prendre les décisions à sa place ? Serait-ce vraiment attenter à la liberté des générations futures ? Est-ce que le hasard n'y attente pas lui aussi ? N'est-ce pas irresponsable de se décharger du poids de ce choix ?
Mais ai-je suffisamment d'arguments pour défendre l'eugénisme, pour me permettre de voter en sa faveur ? Quels arguments ais-je, sinon que nous sommes libres de choisir ce que nous préférons, et que l'eugénisme ne ferait de mal à personne. Du moins, il ne ferait de mal à personne tant que nous décidons collectivement des gènes à exclure, et en pesant bien les raisons de notre choix. L'eugénisme laissé au choix des parents reste une monstruosité bien plus monstrueuse que n'importe quel monstre que les mutations pourraient créer ! Affecter l'humanité entière semble bien moins immoral qu'affecter un être spécifique. La privation de liberté est toujours un mal, même si l'être qui la subit n'est plus en mesure d'en avoir conscience. Choisir de l'avenir de l'humanité semble de notre responsabilité ; choisir du destin d'un être de la sienne seule. Et surtout, les décisions doivent être prise toujours au nom de l'humanité future et de ceux qui la peupleront, jamais pour des raisons personnelles, des caprices, des envies ou des lubies. Non, l'eugénisme de Dievex, s'il venait à exister, n'aurait strictement rien à voir avec celui de Chesna. Il serait un eugénisme humaniste.
Je crois que l'on peut faire un compromis sans pour autant se trahir totalement. Mais est-ce que je me trompe ? Est-ce que chaque concession n'est pas une trahison ? S'il est mal de choisir nos gènes, c'est toujours mal. Pourquoi faire une exception pour les maladies ? Qu'est-ce qui est une maladie et qu'est-ce qui n'en est pas ? Ce n'est pas à choix que j'ai trouvé la réponse ; là bas où ils ont totalement exclu de leur humanité des choses positives ou neutres, croyant qu'il s'agissait de maladies. Mais je crois, sincèrement, que la zombification est une maladie qui mérite d'être combattue. Sauf que c'est aussi le cas de pas mal d'autres maladies qui perdurent à Dievex.
Et j'ai peur. Comme eux tous. Oui j'ai peur. J'ai peur que si on dise oui à l'exclusion de la zombification, demain on se retrouve à exclure sans vraiment y réfléchir les gènes prédisposant à une nouvelle caractéristique ; des caractéristiques qui a première vue serait négative mais qui en fait ne le serait pas. Et je me demande, comment savoir si la zombification n'est pas positive ? Nous savons si peu de choses de ce gène : et s'il codait autre chose que l'état de veille dans lequel se trouve les malades ? Et si ce gène permettait qu'ils se réveillent un an plus tard de cet état avec des capacités démultipliées ? Et s'il s'agissait en fait d'une mutation positive ? Cette possibilité me semble peu probable, mais je suppose que le choix le plus raisonnable, si on acceptait d'éradiquer un gène, serait au moins de l'avoir par avant laissé perdurer sur plusieurs générations pour être en mesure de s'assurer que ses effets sont véritablement négatifs. Parce que supprimer toute mutation génétique dès son apparition, se serait mettre complètement fin au processus d'évolution : exactement comme ils l'ont fait à Chesna.
VOUS LISEZ
Humains néanmoins
Science-FictionIl est né avec collé sur son berceau une cartographie de son patrimoine génétique, choisi par ses parents et définissant dans les moindre détails qui il est destiné à devenir. Elle est née dans une couveuse artificielle, de la rencontre de deux gam...