Laurène portera notre enfant. Et c'est important pour elle. Comment pourrais-je lui enlever ce droit ? C'est pourtant ce que les Dievexois font ; d'une certaine façon. Probablement pour que les hommes ne se sentent pas lésés. Ils sont bien du genre à raisonner ainsi : si certains ne peuvent pas porter d'enfants, autant que tous se privent de cette chance. Ridicule ! Les femmes portent les enfants ; peu m'importe l'inégalité, du moment que je peux donner à mon enfant la chance d'avoir été porté. Il aura ce lien avec sa mère, et le fait qu'il ait ce lien avec l'un de ses parents est ce qu'il y a de primordial. Non, je ne me sens pas lésé. Certes, Laurène partira avec d'emblée une relation avec notre enfant plus forte que la mienne ; mais il ne s'agit pas d'une compétition ! Il ne s'agit pas d'une compétition. Peu importe l'égalité. Ce qui importe à des parents, de vrais parents, de bons parents, c'est ce qu'il y a de mieux pour le bien de l'enfant. Ce n'est pas d'avoir chacun un lien aussi fort avec lui, ou de se battre pour son amour. C'est ridicule ! Les Dievexois sont absolument ridicules avec leur obsession malsaine pour l'égalité !
Quand j'apprends que leurs enfants se développent dans des couveuses artificielles, la première chose qui me vient à l'esprit n'est certainement pas qu'il s'agit d'un magnifique privilège pour l'égalité des sexes ! Je pense à ces pauvres enfants qui viennent au monde sans avoir rien connu de leurs parents. Et je pense à mon enfant qui aura vécu au rythme de la vie de sa mère ; qui aura entendu ma voix et mes chansons, dont nous aurons senti les battements du cœur. Cet enfant auquel, quand il sentira du ventre de sa mère, nous serons déjà attachés par bien plus qu'une idée. Et ces Dievexois qui prétendent faire passer le bien de l'enfant avant les envies des parents ; comment peuvent-ils vraiment penser que leurs pauvres enfants sont plus chanceux que mon futur enfant à cet égard là ? C'est ridicule.
Ils n'ont probablement plus le choix maintenant, de toute façon. Ils ont commencé à créer leurs couveuses artificielles et à avoir recours aux banques de gamètes pour permettre aux couples stériles ou homosexuels d'avoir des enfants. Ça n'aurait pas été si terrible si ça s'était arrêté là. Sauf qu'une fois que ces technologies existaient, tout le monde a voulu les utiliser. Les femmes qui voulaient être mères alors qu'elles n'étaient plus en âge d'enfanter, les célibataires des deux sexes, les femmes qui voulaient préserver leur beauté ou ne pas souffrir les affres de l'accouchement. Et ils ont promu ça comme une magnifique avancée pour l'égalité. Ils ont tous vus là plus d'égalité entre les sexes : ceux qui pensaient que souffrir la grossesse désavantageaient les femmes, et aussi ceux qui pensaient que ne pas pouvoir porter l'enfant désavantageait les hommes. C'est devenu un effet de mode ; et bientôt c'était ceux qui faisaient le choix de porter leurs enfants qui étaient regardés comme de curieuses exceptions.
Ils ont cru qu'en ne touchant pas aux gènes ils ne joueraient pas avec l'évolution ; mais ils l'ont influencée malgré tout. Comment serait-il possible qu'il en soit autrement ? Je suis sûre que si, aujourd'hui, ils essayaient de porter leurs enfants, leurs corps ne seraient pas capables de mener une grossesse à terme. Encore une fois, ils ont sauvegardé les gènes qui n'auraient jamais dû être sauvegardés. Mais, bien sûr, je n'aurai jamais les données pour confirmer ma théorie, parce que je ne peux pas regarder leurs gènes, et je ne peux pas non plus étudier s'ils arrivent ou non à porter des enfants vu qu'ils n'essayent pas. C'est tellement plus facile de commander un enfant et de se le faire livrer tout fait. Mais, le problème, c'est qu'il ne sera jamais livré tout complet ; il manquera toujours quelque chose à leurs enfants. Il leur manquera d'avoir grandi dans un être humain et pas dans une machine. Il leur manquera une part de lien ; une part d'histoire ; une part d'amour.
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Humains néanmoins
Science FictionIl est né avec collé sur son berceau une cartographie de son patrimoine génétique, choisi par ses parents et définissant dans les moindre détails qui il est destiné à devenir. Elle est née dans une couveuse artificielle, de la rencontre de deux gam...