Ménopause (Liberté)

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Je veux un enfant ; vraiment. Pas nécessairement cet enfant que j'aurais pu avoir avec Loïc, mais n'importe lequel. J'aurais adopté un petit Chesnaien s'ils ne m'avaient pas jugée trop jeune pour ça ; et je suis sûre que, pour un orphelin, Dievex aurait fait une exception à sa loi sur l'interdiction de l'immigration. Ça m'a tuée que Chesna ne me laisse pas adopter. Savoir tous ces enfants malheureux et ne pas pouvoir en sauver ne serait-ce qu'un seul. Au prétexte que je suis trop jeune. Mais, bien sûr, en revanche, toujours selon leur loi, je ne suis pas trop jeune pour avoir un enfant naturel. A partir de dix-huit ans, les Chesnaiens et Chesnaiennes peuvent avoir un enfant s'ils le souhaitent ; et tous les docteurs du pays seront prêts à les y aider. Mais, pour adopter un orphelin, il faut avoir au moins ving-huit ans. Alors que ces pauvres enfants attendent des parents. Aucune cohérence dans leur logique !

Quel est le bon âge pour être parent ? A partir de vingt-et-an ans selon Dievex ; c'est l'âge auquel nous pouvons demander à passer l'agrément. Bien entendu, une étude de notre situation sociale en fait partie, et il faut également avoir terminé ses études et avoir les moyens d'élever cet enfant. J'ai vingt-trois ans et une situation stable. Je me sens prête à être mère. Je ne crois pas que ce soit le cas de tous ceux de mon âge ; certainement pas ! Mais c'est le mien ; et je ne doute pas un instant que les personnes en charge de l'attribution des agréments sauront le reconnaître. Les Chesnaiens sont des idiots. Laisser n'importe quel jeune adopter serait une absurdité ; et bien sûr ils ont raison d'avoir certains critères. Mais vingt-huit, c'est trop. Et, surtout, s'ils se permettent des critères pour l'adoption ils devraient faire preuve de cohérence et en fixer aussi pour la procréation ! Ces critères devraient être identique ; et si différence il doit y avoir, c'est évidemment l'adoption qui devrait avoir des critères plus souples.

Je me plains qu'ils me jugent trop jeune pour adopter. Les Chesnaiennes, quant à elle, ont à se plaindre de la limite supérieure. Limite supérieure fixée par les lois de la nature, et que Chesna ne permet pas de contourner. Toutes les Chesnaiennes veulent un enfant, et pour l'avoir nombre d'entre elles doivent sacrifier leur carrière. Ce n'est pas comme si elles avaient vraiment un autre choix, car la fenêtre temporelle est mince. Si elles commencent à travailler vers la vingtaine, elles n'ont que peu de temps pour évoluer professionnellement, car la quarantaine approchant ça devient vite le moment d'être mère, la dernière occasion. Ce sera maintenant ou jamais. Tic Tac. Après ce sera trop tard. Sans parler du fait que la plupart d'entre elles souhaitent plusieurs enfants. Alors il faut s'y prendre tôt. La fenêtre temporelle est trop mince. Mais juste pour les femmes, avec qui la nature est beaucoup trop pressante.

Quel est le bon âge pour être parent ? Actuellement à Dievex, nous pouvons demander un enfant jusqu'à cinquante ans. La loi est juste : nous ne pouvons plus avoir un enfant à partir du moment où il devient statistiquement improbable que nous puissions l'élever en étant vivant et en bonne santé. C'est à nous de nous occuper de notre enfant ; pas l'inverse. L'enfant ne nous doit rien mais nous nous devons d'être là pour lui au moins jusqu'à sa majorité. Et bien sûr à Chesna la fenêtre temporelle est plus mince ; car ils laissent faire la nature. La nature qui est injuste et sexiste.

La nature est injuste. L'âge de la ménopause correspondait peut-être à quelque chose il y a plusieurs siècles ; mais aujourd'hui l'espérance de vie et la santé ont connu des progrès et il ne correspond plus à l'âge limite qui nous permettra d'élever l'enfant. Et surtout l'inégalité ! En quoi est-elle justifiée ? Les femmes deviennent très vite ménopausées alors que les hommes peuvent parfois procréer même quand ils sont au seuil de leurs derniers jours. L'un comme l'autre devraient être capables d'élever leur enfant s'ils choisissent d'en avoir. L'âge de la parentalité devrait évoluer en fonction des progrès de la santé et de la longévité. Et peut-être qu'en ce moment nous n'avons qu'une dizaine ou une quinzaine d'années d'avance sur la nature, mais les progrès sont constants et bientôt ce sera beaucoup plus.

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