Je veux savoir à quoi m'en tenir (2/17)

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Liberté avait peur. Elle avait entendu tant de mal des chesnaiens, ce peuple intolérant qui les regardait comme des bêtes de foires. Comment l'accueilleraient-ils ? Accepteraient-ils de satisfaire sa requête ? Elle poussa la porte de l'hôpital, et demanda qu'on lui indique le secteur de génétique. La femme à l'accueil pouvait-elle voir qu'elle n'était pas des leurs ? Non, probablement pas ; elle se faisait des films. Ils avaient l'air de personnes agréables. Elle ne voyait pas la différence entre eux et les dievexois pour l'instant. Cet hôpital ressemblait à tous les hôpitaux. C'était le premier endroit où elle se rendait à Chesna. Les recherches pour son article attendraient. Ses pas l'avaient conduite ici ; elle devait bien se rendre à l'évidence ; c'était pour ça qu'elle était là.

« Avez-vous un rendez-vous Madame ? » Non, quelle idiote, elle n'avait pas de rendez-vous ! Pourquoi s'était-elle figuré qu'ils accepteraient de la rencontrer ? « Est-ce pour une demande de procréation ? » Non, bien sûr que non. Pourquoi était-ce la première question qu'ils lui posaient ? Accepteraient-ils de l'aider ? Devait-elle mentir ? Elle décida de tenter le tout pour le tout, et de dire la vérité : « Je viens de Dievex. J'aurais besoin d'informations sur mes gènes. Là bas ils ne veulent pas me les donner. Je me suis figuré que vous pourriez m'aider. Accepteriez-vous de pratiquer des analyses ? » La jeune femme de l'accueil lui sourit « Vous n'êtes pas la première Dievexoise à faire preuve de curiosité. Selon la loi en vigueur, la connaissance de son patrimoine génétique fait partie des droits inaliénable de l'être humain, et vous êtes des humains. Nous nous devons donc d'effectuer les analyses nécessaires. Vous devez juste nous autoriser à exploiter les résultats à des fins de recherche ». Pardon ? : « Ecoutez, Madame, il est hors de question que je connaisse l'intégralité de mon patrimoine génétique. La seule information que je souhaite concerne un gène spécifique. Et il est hors de question que mes autres gènes soient identifiés, ou exploités à quelques fins que ce soit ! A qui pourrais-je m'adresser ? »

La femme à l'accueil était adorable. Elle s'appelait Laurène, travaillait là depuis 2 ans, et semblait pleine d'empathie pour les dievexois. Liberté était heureuse que ce soit la première personne sur laquelle elle soit tombée à Chesna. Elle semblait presque comprendre son dilemme, et lui proposa de la conduire au Docteur Robin : « Ne vous fiez pas à son jeune âge, il est vraiment excellent dans ce qu'il fait. Par ailleurs, il est fasciné par votre peuple et la curiosité génétique que vous représentez. Il acceptera probablement de vous rencontrer, et vous pourrez négocier directement avec lui les conditions de ses tests. Il sera à tous les coups très déçu que vous refusiez de participer à ses recherches. Mais il voudra peut-être quand même vous aider. En fait, j'en mettrais ma main à couper. » Elle lui indiqua le service de génétique au bout du couloir : le docteur Robin était dans le bureau médical. Liberté y entra et le vit. Il lui sourit et immédiatement elle ressentit pour lui une confiance infinie. De la confiance, du soulagement, et une infinité d'autres choses. Elle lui expliqua son problème.

Loïc était ravi. Cela faisait un moment qu'il n'avait pas vu quelqu'un de Dievex. Ils étaient tous si intéressants, mais jamais aucun n'acceptait de participer à ses recherches génétiques ; ils se contentaient de poser des questions. Ils étaient tous fascinants à ses yeux, mais celle là le semblait tout particulièrement. Elle ne voulait qu'une chose : savoir si elle était porteuse du gène de la zombification. Ce gène dont il n'avait jamais entendu parler auparavant. Sa curiosité était titillée. Il allait devoir se renseigner sur ce gène inédit. Il pourrait aider cette jeune femme perdue à savoir qui elle était et qui elle risquait. Avec un peu de chance, il serait celui qui lui annoncerait une bonne nouvelle. Le seul point noir dans l'histoire était qu'elle ne voulait pas le laisser regarder l'ensemble de son patrimoine génétique. Mais la visite de Liberté était une bonne chose malgré tout : s'il ne pouvait pas regarder ses gènes, il satisferait sa curiosité autrement. Il découvrirait qui elle était par d'autres biais ; en parlant avec elle. Cela tombait bien : Liberté venait d'arriver à Chesna et elle avait besoin de quelqu'un pour lui faire découvrir sa culture. Il se proposa. Cela tombait doublement bien ; il s'ennuyait un peu ces derniers temps. Soudain, son quotidien se teintait de nouveau d'intérêt.

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