Contraception (Loïc)

72 21 11
                                    

Choisir l'enfant que l'on veut n'a rien d'une nouveauté que Chesna aurait inventée. La technique chesnaienne n'est que l'aboutissement logique d'une longue histoire de maîtrise progressive de la reproduction. Depuis l'invention de la contraception, les êtres humains ont renoncé aux enfants qu'ils ne voulaient pas avoir, renoncé aux enfants potentiels qu'ils ne voulaient pas porter et élever. La sélection génétique ne permet pas fondamentalement autre chose que ça ; elle permet juste de faire reposer ce choix sur des critères encore plus fins. En choisissant d'utiliser ou non un moyens contraceptif, les humains choisissaient déjà leurs enfants. Ils choisissaient deux choses : le moment de leur vie où ils souhaitaient avoir un enfant, et le partenaire avec lequel ils voulaient en avoir.

Bien plus loin encore, avant l'invention des contraceptifs, les humains choisissaient déjà d'une certaine manière leurs enfants. Ils pouvaient choisir d'avoir ou non des rapports sexuels, et avec qui les avoir. Choisir un partenaire sexuel, c'était déjà choisir d'une certaine manière les gènes de son futur enfant. L'humanité a toujours procédé ainsi. La contraception a permis de dissocier la sexualité de la reproduction et, dès lors, nous avons commencé à prendre le contrôle de l'évolution. L'attirance sexuelle était bien trop emprunte d'instinct pour que nous puissions réellement choisir nos partenaires rationnellement, en fonction de ce que nous voulions pour l'avenir de l'humanité. C'était alors l'évolution qui choisissait pour nous ; les caractères avantageux étaient ceux qui rendaient apte à se reproduire, c'est à dire féconds et attrayants : point barre.

Nous voulons tous une humanité qui ait plus de qualités que seulement la fécondité et l'attractivité. Et plus nous avons la possibilité d'affiner nos choix reproductifs, meilleure sera l'humanité que nous créerons. Nous avons aujourd'hui la possibilité de sélectionner beaucoup plus de critères que la sélection naturelle ne le faisait ! La contraception à permis un premier affinement : en sélectionnant le partenaire avec qui faire des enfants, les humains pouvaient se permettre d'être plus exigeants que quand ils étaient obligés de faire des enfants ou de renoncer à leur désir de sexualité. Le désir de sexualité est humain, et nous n'avons aucune raison de l'empêcher de perdurer, car il fait du bien à chacun et aux relations entre tous. Mais ce désir de sexualité est bien trop peu exigeant pour être le seul moteur de l'évolution humaine.

Nous avions besoin de l'amour : le choix de l'autre parent de notre enfant doit reposer sur l'amour. L'attirance sexuelle choisissait des partenaires féconds et l'amour choisit des partenaires dont l'enfant nous plairait. Nous aimons ceux à l'image de qui nous voudrions voir l'avenir de l'humanité. Même si ce n'est pas un choix conscient, même si nous subissons l'amour plus que le choisissons : il révèle quelque chose de ce que nous croyons meilleur et de ce que nous voulons. La contraception a permis de dissocier l'amour et l'attirance sexuelle, et cette dissociation a été le premier pallier de l'évolution de l'humanité.

La contraception a été le premier pallier, mais choisir uniquement un partenaire aimé laisse encore possible un nombre infini de combinaisons génétiques hasardeuses. Et il n'y a rien d'honorable à laisser l'avenir de l'humanité aux mains du hasard. Alors nous avons franchi le deuxième pallier : la sélection génétique. Plus que choisir un être qui globalement nous semble présenter des caractéristiques plaisantes et laisser ensuite faire le hasard du mélange, nous pouvons enfin choisir avec précision les traits que nous voulons pour notre enfant. Et par là, nous forgeons l'humanité future. En choisissant chacun des enfants qui nous plairont, nous choisissons tous ensemble de forger une humanité future qui nous plaira.

Humains néanmoinsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant