4 - Marianne

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- QUOI ? hurla le shérif de Nottingham. QU'AVEZ-VOUSFAIT ?

Je sursautai à nouveau ; il m'effrayait. Depuis plusieurs minutes, il nous hurlait dessus, sur moi à cause de ma clémence envers les hors-la-loi et sur les gardes à cause de leur brutalité. Mais j'étais sûre qu'il criait beaucoup plus sur moi que sur eux. J'avais laissé s'échapper deux voleurs hautement recherchés, à ce que j'avais compris, et que leur capture était de la plus haute importance pour lui, et pour mon oncle, le roi Jean,frère de mon père, le roi Richard Cœur-de-Lion.

À vrai dire, si le shérif hurlait sur ses hommes,ce n'était que pour mes yeux. Je n'étais pas narcissique, mais je n'étais pas naïve et aveugle sur cela. Je plaisais au shérif de quarante-trois ans. Je le savais, ses regards appuyés n'étaient pas discrets, ses compliments et ses flatteries n'étaient plus dans le domaine de courtoisie. J'avais vingt-quatre ans, et le shérif de Nottingham me faisait la cour. Certaines femmes de mon âge était déjà mariée, et l'on me trouvait vieille fille, mais le roim'avait fait échappée à un mariage de convention. Jusqu'à cejour. Je redoutais le moment où le shérif demanderait ma main àmon oncle. Je craignais l'instant où le seul membre de ma familledirait oui, parce qu'il le ferait. Ces dernières années, depuisl'apparition de Robin des Bois - j'avais enfin fait le lien entre cesdeux périodes - le shérif et le roi s'étaient rapprochésénormément jusqu'à devenir de proche allié. Le shérif était unconseiller non négligeable auprès du roi, du moins concernantNottingham.

Je me donnais quelques mois, tout au plus avantd'être mariée. Je ne doutais pas un instant que ce séjour àNottingham, chez le shérif, visait à nous rapprocher. Mais commentpouvaient-ils l'espéraient ? J'aspirais à ma liberté que jen'aurai jamais, j'étais jeune, j'avais la vie devant moi et j'allaisdevoir épousailler un homme qui avait le double de mon âge. Je nevoulais pas mais je n'aurais pas le choix. Personne ne me demanderamon avis. Je ne pouvais que m'incliner et essayer d'apprécier laprésence du shérif.

Mais je ne pouvais pas ! Je le respectais, jepourrai le jurer devant Dieu, mais plus depuis qu'il me réprimandait.Ce n'était pas le fait en soi qui me dérangeait, plutôt cettelueur dans ses yeux à l'entente de mes dires sur ses hommes. Il neleur avaient hurlés que par principe devant moi, pour me plaire.Cependant, il lui était impossible de dissimuler cette sorte defierté, de contentement dans se prunelles si brunes qu'elles serapprochaient du noir.

Je baissai la tête, en signe de soumission. Jen'étais pas désolée, bien au contraire. De tout ce que j'avais vu,je n'avais pas besoin que l'on me l'explique pour comprendre ; Robindes Bois était notre seule chance à tous de survivre, d'avoir unevie meilleure, telle que l'on la voudrait. Certes, il ne pourrait pasm'offrir cette liberté tant espéré, mais il pourrait sauver cesgens, et, dans un certain sens, me sauver.

- Sortez ! aboya le shérif.

Le protocole l'obligeant et bien que j'étais plus haut gradé que lui, je dus lui faire une révérence pour le saluer,de même que les gardes. Nous nous retirâmes et je me précipitai dans ma chambre. Mes pas résonnaient dans les couloirs et se répercutaient tout le long. J'atteignis ma chambre et claquai la porte. Je sentais l'agacement cédait la place à la colère.J'allais devoir épouser cet homme ignoble. Je ne pourrais rien faire, encore moins que ce je faisais déjà ! Je refusais ! J'étais totalement contre ces agissements. Dieu avait créé l'Homme et les avaient créés égaux. Je ne pouvais pas accepter, en fervente croyante, qu'ils ne l'étaient pas... Je ne pouvais pas me plaindre de ma situation, et, honnêtement, je n'avais pas totalement envie de renoncer à tout le confort que je possédais, mais s'ils avaient tous la même chose que nous... Je n'étais pas contre. J'étais même pour, mais cela signifiait renoncer au pouvoir que possédait de puissants nobles. Ils seraient totalement contre.

Robin des BoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant