15 - Robin

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 - Debout ! Debout, Robin ! On doit y aller ?

Je gémis, aller où ? Pour une fois dans notre vie de rebelle, ne pouvions-nous pas dormir jusqu'à tard l'après-midi ? Honnêtement, bien que le lit soit un peu rude pour mon dos, je dormais bien, il faisait chaud, je n'avais même pas besoin de dix mille couvertures et d'un bon feu ! Il régnait une douce odeur enivrante, qui donne envie de la respirer encore et encore. Comme un parfum de femme, doux, léger, mais assez prononcé pour qu'on puisse le sentir.

- Mon Seigneur ! s'écria Petit Jean.

Je sursautai brutalement, énervé. Je n'étais plus un seigneur depuis des années bon sang ! Depuis près de cinq ans ! Et qu'il m'appelât comme cela m'agaçait. Je retins avec faiblesse mon poing pour qu'il restât ici, près de moi.

Petit Jean se tenait debout, face à moi, les bras croisés sur son torse. Il n'avait pas l'air furieux, ni même agacé, contrairement à ce que son ton laissait suggérer. Derrière lui se tenait Will, légèrement en retrait mais qui laissait la désapprobation apparaître sur son visage.

- Mon Seigneur est-il prêt ? continua cette merdaille.

- Arrête de m'appeler comme ça ! sifflai-je.

- Pourquoi ? me provoqua-t-il. Cette appellation ne vous sied guère ?

Mais que lui prenait-il ? Qu'avait-il aujourd'hui bon sang ? Avais-je fait quelque chose pour lui déplaire de la sorte ?

Un fin raclement de gorge hésita nous coupa dans notre élan.

- Navrée de... d'interrompre votre combat de coq, mais, vous devez partir avant d'être coincés ici, et je crois savoir que James aimerait vous voir rentrer.

Je me tournai vers la voix, féminine. Lady Marianne tentait de s'imposer, mais l'on aurait dit un chaton qui tente de rentrer dans la cour des grands, un jeune noble qui fait ses premiers pas dans la noblesse et qui craignait de se faire déchiqueter par ces molosses enragés.

Néanmoins, ses yeux avaient repris une légère lueur vivante. Comme si elle avait enfin repris ses esprits, et tentait de se relever.

Son intervention nous avait tous calmés, et bien que j'étais toujours agacé contre Jean, je pris conscience que nous n'étions toujours pas rentré au camp et qu'il fallait le faire au plus vite.

- Bien, intervint Jane, maintenant que...

- Jane... murmura la noble qui nous avait accueillis.

La concernée fut scandalisée et refusa avec véhémence. Lady Marianne ne tenta même pas de l'interrompre, attendant patiemment qu'elle ait terminé.

- Non, Marianne ! Je ne te laisserai pas, c'est à moi de le faire ! Si je suis prise, j'irai en prison, alors que toi...

- Moi non, coupa-t-elle durement. Jane, je suis grande maintenant, et toi, tu vas rester ici à vaquer à tes occupations, tandis que moi je les conduirai hors de Nottingham. John nous attend aux écuries.

Elle marqua une pause, fixant Jane dont les narines frémissaient.

- Je ne risque rien, premièrement parce que nous ne nous ferons pas remarquer, et deuxièmement parce que... parce que je suis...

Elle se racla la gorge.

- Parce que je suis l'épouse du shérif de Nottingham, que moi, l'on ne me jettera pas aux cachots, et que s'il le fallait, je hurlerai à l'aide en criant au rapt. Nous n'y verrons que du feu, Jane. Je te l'assure. Rassure-toi...

Elle se détourna rapidement, enfila une cape, rabattit la capuche sur sa tête, et sortit de la pièce, le pas pressé sans nous attendre. Nous restâmes tous ici, bêtement immobile. J'étais sidéré. Oui, l'on pouvait le dire, Lady Marianne était de retour.

Robin des BoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant