68 - Marianne

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 Je haletais. Richard gémit et j'humidifiai le tissu déchiré du bas de ma robe pour le rafraîchir avec l'eau qu'Adelbert nous avait donnés. Ma main sur sa joue, je tapotai son front et nettoyai quelque traces de saletés et de sang.

Je mordis ma lèvre inférieur jusqu'au sang, furieuse contre moi-même et contre le shérif.

- Tu ne peux rien faire ? souffla Allan.

Je secouai la tête. Je n'avais pas ce qu'il me fallait. Si nous sortions... Oui, oui, il y avait une chance pour soigner Richard. Une de ses plaies s'étaient infectée, et je craignais que si la plaie n'était pas rapidement traitée, Richard ne s'en sorte pas. Je n'avais rien, aucune plante ! Dans le pire des cas, j'aurais pu cautériser la plaie, mais le froid ambiant laissait voir qu'il n'y avait aucun feu. J'étais impuissante. Je ne pouvais rien faire pour l'aider, ni soulager sa douleur. Sa fièvre rendait sa peau luisante. Ses yeux roulaient trop rapidement dans leur orbite.

Petit Jean retint son soupir et s'agenouilla difficilement près du blessé. Il leva ses yeux vers moi et glissa une main sur ma joue. Malgré toute la douceur et la tendresse mêlées à la protection, je ne pus m'empêcher de tressaillir. Le contact... Même le leur... C'était compliqué. Mais, j'en avais besoin dans le même temps. C'était leur odeur qui m'apaisait après...

Avec une habitude déplaisante, j'entendis la porte tout en bas de l'escalier claquer et les fameux pas résonner. Je me tendis. Petit Jean se releva, prêt à se battre. Je réussis à effleurer sa main avant qu'il ne soit trop loin pour que je l'atteigne sans déranger Richard dont la tête reposait sur mes genoux. Je murmurai son prénom, ignorant ses poings qui se serraient.

- Je ne peux le laisser...

- Si, répliquai-je. Tu vas le faire, parce que tu es trop faible pour te battre tout seul contre eux tous. Richard est au plus mal, mourant, Jean. Il est mourant. Allan n'est pas un combattant et Will est trop faible pour le faire. Tu es fort, Jean, mais pas assez pour tous les affronter et gagner.

Il décrispa avec difficulté ses poings. Furieux, il ne répondit pas, pourtant conscient de cette réalité. Seule la respiration sifflante de Richard se fit entendre.

- Ce qu'ils font...

- Tu vas l'accepter, dis-je de ma voix la plus ferme malgré quelques trémolos.

Il releva vers moi des yeux tristement perdus, révoltés. Je lui souris du mieux que je pouvais, et me figeai à nouveau en entendant les pas se rapprocher. Plus que trois marches. Deux. Un. La main sur la poignée. Un cri. Des éclats métalliques. Des bruits de bagarre. La porte ouverte. Sa silhouette, haletante, couverte de sang. Épée en main, Much se précipita vers nos cellules et, avec les clés, les ouvrit une à une. Le cœur battant furieusement dans ma poitrine, il se tourna vers nous. Il était là... réellement là... Mon Dieu... Il était là ! Il était vraiment là... Les larmes me chatouillèrent les joues.

Le silence était bienfaisant. Jamais je n'avais autant aimé un silence. Tout le monde s'était empressé de sortir, mais Will avait sorti la tête de ses genoux, et restait assis, stupéfait. Petit Jean s'était immobilisé à mes côtés et Allan esquissa un grand sourire.

- Si jamais je rêve, ne me le dites surtout pas, souffla-t-il.

- Much ?...

- Dépêchez-vous ! râla-t-il dans un grand sourire.

Il était là. Il était réellement là. Oh, mon Dieu ! Il était là ! Il était venu ! Ils étaient venus ! C'était fini ! C'était fini ! Mon Dieu... Much était là... devant nous, haletant.

Euphorique, je baissais les yeux vers Richard, caressant ses joues pour qu'il ouvre les yeux rempli de fatigue.

- Hey... Hey, c'est bon. Tu vas t'en sortir, ris-je entre deux sanglots. Ils sont là. On sort.

Richard ne me répondit pas. Il ne bougea pas non plus. Aucune réaction. Inquiète, je tapotai son visage. Ce n'était pas maintenant de s'endormir, il devait tenir encore un peu !

- Richard ? Richard, réveille-toi, murmurai-je.

- Richard ? l'appela Petit Jean. Richard, c'est pas drôle... Richard !

Secouant compulsivement son visage, j'arrêtai mes gestes et déplaçai deux doigts sur sa carotide. À l'instant même où je ne sentis pas son pouls, sa peau me parut atrocement froide. Même ma main glacée me parut brûlante.

- Richard...

Ma voix se cassa.

- Richard...

J'entendis des sanglots d'enfants.

Non... non, il devait juste inconscient. Je n'avais pas bien cherché son pouls. J'appuyai de toutes mes forces sur sa peau. J'allais trouver. Il le fallait. Je ne pouvais pas faire autrement. Rien. Je ne sentais rien. Agacé, je pris son poignet et plaquai l'index et le majeur et attendis. Même au bout d'une minute, je ne sentis rien.

- Mary... fit la voix douloureuse de Petit Jean.

Je secouai la tête. Posant rapidement sa tête sur le sol, je collai mon oreille sur son torse. Pas de battements. Rapidement, je joignis mes deux mains et pressai sa poitrine à intervalle régulière.

- Oh non... non... hoqueta le ménestrel. Non ! Non ! Non ! NON !

- Marianne... souffla Much.

- Non, non, je peux... Je peux le sauver, il n'est pas trop tard.

Un, deux, trois.

- On va sortir... il doit... Non... Il ne peut pas...

Un, deux, trois.

Une main masculine saisit les miennes pour les éloigner. Poussant un cri de négation, je les repositionnai et repris mes mouvements.

- Arrête... arrête, j't'en prie...

Ses mains vinrent emprisonner mes poignets et Jean me tourna violemment vers lui. De grosses larmes coulaient sur ses joues, accentuant le flux des miennes.

- C'est trop tard...

Horrifiée, j'explosai en sanglots et il me cueillit dans ses bras.

- C'est trop tard, gémit-il. 

Robin des BoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant