22 - Marianne

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 Le shérif se tenait devant moi, marchant de long en large. Il ne voulait pas m'en parler, mais je savais que ce qui le gênait était l'Église qui menaçait mon oncle. En 1208, le pape Innocent III avait excommunié le roi, et même pire, il avait empêché toute l'Angleterre de recevoir baptêmes, sacrements et toutes autres choses religieuses. Or, mon oncle n'avait pas vraiment fait en sorte de calmer le pape qui menaçait de se tourner vers Philippe Auguste. Et les menaces planaient de plus en plus sur nous et cela inquiétait le shérif.

J'étais prête depuis longtemps pour assister au procès de Jane, et j'attendais que le shérif partît pour faire entrer les rebelles. Un coup d'œil à la fenêtre m'apprit que le Soleil ne s'était toujours pas levé. Relevant mon regard sur le shérif, je manquais un soupir.

- Marianne, veuillez m'excuser, me dit le shérif, mais je dois superviser quelques petites choses encore. Je vous attendrai.

Je hochai la tête avec un petit sourire contrit. J'attendis deux minutes après qu'il ait claqué la porte, avant de partir à mon tour. Adoptant un rythme calme, je guettais inconsciemment toutes personnes pouvant m'être néfaste et m'empêcher d'aider Jane.

Mes pas s'accéléraient sans que je ne puisse y faire grand chose. De la même manière, mon souffle gagnait en intensité en même temps que mon anxiété grandissait.

J'atteignis finalement une petite porte sur le côté, là où je devais les faire entrer. Ils étaient là, appuyés sur les murs ou à même le sol, attendant patiemment. Le premier à me voir fut Richard de la Plaine qui me salua ensuite. Les autres se relevèrent rapidement. Je ne pus m'empêcher de hausser les sourcils en voyant le nombre réduit qu'ils étaient.

Seul Richard de la Plaine, Will Stuteley, Petit Jean et Robin des Bois étaient là. Il ne fallait pas être extrêmement intelligent pour comprendre : ils ne pourraient rien faire à eux quatre. Jane était condamné.

- My Lady, protesta doucement Richard de la Plaine, nous avons préféré que nos autres compagnons rentrent discrètement par l'entrée, après tout, beaucoup de monde viennent voir le procès et l'exécution.

Je frissonnais à ces mots. Choisissant de ne rien rajouter et de leur faire confiance, je leur fis signe de me suivre et rentrai dans le bâtiment. Je craignais que quelqu'un nous remarquât et nous dénonçât, je n'aurais aucune excuse valable, et puis, jamais je n'aurais pu me justifier. Je ne voulais même pas connaître la réaction du shérif et le calme angoissant des hors-la-loi ne m'aidait à garder mon sang froid.

Inquiète, je rabattis mes cheveux recouverts d'un voile blanc sur mon épaule droite avant de glisser une mèche derrière mon oreille. Quelques pas plus tard, je les repoussai dans mon dos et calai plusieurs mèches au même endroit que tout à l'heure.

- Vous voulez bien arrêter ? soupira Petit Jean. Vous me stressez.

Alors que j'amorçais le geste de remettre mes cheveux à leur place, je le suspendis en sentant son regard brûlant dans mon dos glacé. Je relaissai tomber ma main le long de mon corps timidement.

Je relâchai doucement l'air de mes poumons pour me détendre avant de leur ordonner de rester là le temps que j'aille demander où était le shérif à un serviteur qui passait là.

- Il est dans la cour, my Lady, me répondit-il.

- Savez-vous s'il en aura pour longtemps ?

Il haussa les épaules.

- Je ne sais pas my Lady, vous savez, il ne nous dit rien, au contraire...

Je réprimais l'envie de me mordre la lèvre fortement pour me punir ; bien sûr qu'il ne disait rien ! Et le sous-entendu était plus que parlant. Le shérif était violent, c'était un fait. Un sourire d'excuse et des remerciements plus tard, je le quittai et rejoignis les rebelles.

Robin des BoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant