49 - Robin

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 Honnêtement, je ne sais toujours pas ce qu'il lui était arrivé, mais un peu plus d'un mois plus tard, Mary avait surgit dans la cabane où je me changeais, précautionneusement pour éviter de réveiller la blessure de ma cuisse causée par ce sanglier – qui ne faisait que se rouvrir alors que je faisais le minimum pour ne pas l'aggraver. Arthur disait que c'était enfin pratiquement guéri, mais que je ne devais toujours pas forcé dessus, donc pas de course, j'évitais de marcher trop longtemps, et je ne me battais surtout pas.

Je terminais donc d'enfiler une chemise propre avant d'attraper mon pull en laine, le mois de mars étant sujet à d'étranges changements climatiques spontanés.

- Il faut qu'on parle, clama-t-elle.

Surpris, et légèrement réticent – je n'avais pas envie qu'elle remuât le couteau dans la plaie – je me tournai vers elle et haussai un sourcil. Rapide, elle se plaça juste devant moi, le regard hésitant.

- Qu'y a-t-il ? finis-je par demander, inquiet.

Seule sa respiration me parvint, assez rapide pour montrer son angoisse. Bon sang, qu'avait-elle ? Son regard se baladait partout, sauf sur moi. Doucement, je coinçai son menton entre mes doigts et lui relevai le visage. Bien obligée de me regarder, elle ne me quitta pas du regard, s'imprégnant de mes traits faciaux.

Définitivement angoissé pour elle, je murmurai son prénom, ce qui la fit inspirer profondément.

- On m'a dit de vivre, annonça-t-elle simplement.

Que voulait-elle dire par « vivre » ? Elle vivait pourtant, elle s'amusait, riait, dansait lors des fêtes mensuelles, elle s'était épanouie... en quoi ne vivait-elle pas ? Y avait-il un rapport avec ce secret qu'elle n'arrivait pas à me dire ?

Avant que je ne pusse me pencher dessus plus profondément, je la vis vaguement se relever sur la pointe des pieds et ses lèvres effleurèrent les miennes, timidement. Stupéfait, proche du choque, je ne réagis pas. Je n'arrivais pas à réfléchir, à comprendre ce qu'elle faisait. M'embrassait-elle réellement ? Est-ce que ses lèvres touchaient les miennes sans oser le faire pleinement ? Bon sang, je rêvais... Mary ne voulait pas, elle aurait pu tomber amoureuse de moi, mais elle ne voulait pas...

Voyant que je ne réagissais toujours pas, elle se recula, les joues rouges de gêne ou de honte. Machinalement, elle cala une mèche de ses cheveux derrière elle, murmura un « Désolée » et s'enfuit à toutes jambes. Ce fut grâce à mes réflexes qu'elle resta, et baissa les yeux sur ma main enserrant son coude.

Elle dut voir tout mon désarroi sur mon visage parce que la culpabilité prit possession de ses traits.

- Pourquoi... enfin... de quoi, comment... p-pourquoi... et... qu'est-ce que... quoi...

Ses grands yeux verts peureux se relevèrent vers moi, puis elle se dandina d'un pied sur l'autre.

- Will... Will m'a dit de vivre et...

Ce fut comme si l'on m'avait lancé dans l'eau du lac souterrain, alors que j'étais encre endormi. Un réveil, froid, brûlant et brutal. Blessé, je retirai ma main et me reculai de deux pas. De la voix la plus dure que je pus prendre, je lui dis :

- Je ne veux pas être celui qui t'aidera à vivre. Je ne veux pas que tu m'utilises, précisai-je.

Son teint, autrefois rubis, vira au diamant brut. Mon cœur se serra en la voyant si mal, presque au bord des larmes. Elle tenta de bégayer quelque chose, mais seules des onomatopées sortirent de ses lèvres. Je détournai les yeux, et essayai de faire abstraction des quelques sanglots qui franchirent sa gorge nouée.

Robin des BoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant