38 - Marianne

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 J'étouffai un bâillement pour éviter que Constance et Agathe ne sautent sur l'occasion pour me renvoyer à l'infirmerie. Avec cinq autres femmes, nous étions en train de laver le linge, dans les eaux du lac. Éléonore avait réussi à s'attribuer la tâche d'étendre le linge sur les cordes attachées entre deux arbres et s'en félicitait. Au départ, Constance, Agathe, Adélaïde, Emma, Cyrielle – la chanteuse –, Marguerite et Justine avaient voulu que je le fasse, mais appuyée d'Éléonore, je réussis à les convaincre que j'étais très bien à nettoyer le linge et qu'à la moindre douleur, je n'aurais qu'à m'arrêter.

Will Scarlett jouait avec l'eau, s'ennuyant ouvertement mais ne voulant en aucun me lâcher. Je lui avais déjà dit trois fois d'aller voir Jeanne, mais il avait refusé.

Nous plaisantions tranquillement entre nous, nous racontant les nouveaux ragots, riant allégrement, sans retenu. À un moment, Marguerite, une brune de la quarantaine, se tourna vers moi, et me dit :

- Je trouve que tu es plus extraverti, plus toi, Mary.

Je souris simplement. C'était possible ; j'avais eu cinq mois pour m'adapter facilement à la vie d'ici, pour être libre de rire quand je le voulais.

- Oui, affirma Éléonore à une dizaine de pas de nous, avant, tu étais renfermée et timide. À peine si l'on pouvait rire avec toi.

- Hé ! protestai-je.

Si elle avait été plus près, je lui aurais lancé de l'eau dessus, mais elle me tira la langue comme une parfaite enfant fière de sa bêtise. Elle attrapa une chemise qu'elle étendit et je repris le lavage de mon pantalon d'homme. Le savon moussait sur mes mains et je ne pouvais, même après cinq mois de linge lavé, de les rincer toutes les trois seconde pour l'enlever, ce qui ne manquait jamais de m'attirer des remarques gentiment moqueuses. J'en riais également, mais savais très bien que c'était à cause de mon ancien rang que j'agissais ainsi. Dès que je faisais quelque chose de salissant, j'essayais de les avoir propre au maximum.

Une fois le pantalon propre, je le lançai dans la panière qui était à côté de Justine, elle-même à la droite de Constance qui se trouvait juste à côté de moi. Le pantalon tomba pile poil dans la panière.

- Linge ! m'exclamai-je.

Agathe réagit immédiatement et me lança un vêtement que je rattrapais habilement. Nous fonctionnions ainsi. Les trois panières de linge sale que nous lavions par jour se trouvaient entre deux femmes, et celle pour mettre le linge propre à étendre entre deux autres. L'on se lançait les affaires pour éviter de se lever et de s'agenouiller encore et encore. À la longue, c'était pénible, d'où ce système, et quand une personne ratait son tir, cela déclenchait toujours des railleries amusantes qui faisaient passer le temps.

- Alors, Agathe, commença Cyrielle. Comment ça va avec Allan ?

- Il n'a toujours pas installé la tente pour nous deux si tu veux savoir. À croire qu'il a trop peur de quitter la tente de Robin et Petit Jean. La rupture sera atroce, se moqua-t-elle.

J'éclatai de rire, imitée par les autres. Ce projet devait être en préparation depuis quoi... trois mois maintenant ? Chaque soir quand Agathe le lui rappelait, il disait qu'il le ferait demain. Mais le lendemain, la tente n'était toujours pas montée.

- Et votre amour est toujours au beau fixe ? demanda Adélaïde.

La Française fronça les sourcils, confuse. Pour ma part surprise, je regardai la jeune femme rousse aux cheveux très courts – ce qui avait étonné la plupart des gens à son arrivée. Ses yeux noisettes étaient interrogateurs et attendaient une réelle réponse.

Robin des BoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant