26 - Marianne

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 - My Lady, commença Isabelle, loin de moi l'idée de me mêler de votre vie, mais je tiens à vous et je n'ai pas envie d'assister à votre enterrement après le coup de trop.

- Ce n'est pas sa faute, la coupai-je interdite, il n'est pas responsable...

- Pourquoi le défendez-vous ? s'écria Isabelle pleine de colère et d'incompréhension.

Je ne savais pas. Je ne savais pas pourquoi je le défendais... Isabelle avait raison, je ne devrais pas le faire. Pourtant... Nous étions dans mes appartements, avec une Isabelle furieuse de mes actes et moi qui étais stupide et perdue. Elle faisait les cent pas, me regardait dans les yeux, et repartait.

- Le duc a maintenant remarqué que vous étiez bel et bien enceinte, soit, un problème en moins, même s'il faut se méfier de lui, le surveiller. Nous ne pouvons pas faire comme si tout allait bien le concernant, nous savons très bien qu'il vous soupçonne et vous surveille à cause de Robin des Bois, et ce, depuis qu'il a appris que vous étiez son ancienne promise. Il souhaite même vous utilisez pour lui tendre un piège, récapitula Isabelle.

« Le shérif vous a sauvée de cette condamnation que le duc voulait à cause de votre trahison et de Robin des Bois. Pour ce faire, le shérif a prétendu que vous étiez enceinte et tuez ce bébé serait immorale. Problème : vous ne l'étiez pas. Et pour vous sauver encore une fois, vous partagez la couche du shérif depuis deux mois et vous êtes enfin tombée enceinte. Donc concernant le duc et son désir de vous tuer, vous êtes à l'abri pour le moment. Il faudra le surveiller, il est dangereux.

« Maintenant, concernant le shérif, my Lady, vous ne pouvez pas le défendre alors qu'il vous bat. Encore. Certes, c'est le père de votre bébé. Certes, il vous a sauvée. Mais certainement pas, vous n'avez certainement pas le droit de le défendre ainsi ! Il boit, il rentre saoul de ses journées de travail, et comme il n'arrive pas à attraper un seul rebelle, il se défoule sur vous ! My Lady, ajouta-t-elle, vous allez perdre le bébé si vous ne vous défendez pas. Pire... je crains pour votre vie...

Je relevai enfin les yeux sur Isabelle qui s'accroupit face à moi, me prenant les mains.

Elle avait raison... et c'était cela le pire. Cela ne pouvait pas continuer. Chaque soir il avait trop bu et déchaîner sa colère sur moi. Je ne pouvais pas me défendre et si j'essayais, je n'y arrivais pas. Mon corps portait les marques de sa violence et seule ma joue était rouge, tirant sur un mauve. Il ne me frappait pas au visage, il évitait. C'était visible, et l'on pouvait se poser des questions. Depuis qu'il savait que j'étais enceinte, il évitait mon ventre, se contentant des jambes, des bras et des côtes, ce qui n'était pas mieux.

Je sentais le regard de pitié d'Isabelle sur moi, mais qu'étais-je censée faire ? Je savais comment cela allait se terminer si je m'opposais au shérif de Nottingham. Je ne gagnerais pas, jamais, ce combat. Il était plus fort que moi, et l'alcool délivrait et multipliait sa haine, sa rancœur, et même sa peur. Je l'avais plus d'une fois entendu gémir après qu'il m'ait rouée de coup. Il pleurait, suppliait que l'on ne lui prenne pas sa femme, son enfant.

Je crois que c'était ça, cette pitié que je ressentais en le voyant supplier que Robin des Bois ne me ravisse pas à lui. Depuis que j'avais appris que Robin des Bois était Robin de Locksley, le shérif craignait de me perdre, de n'importe quelle façon. Il était profondément amoureux de moi, je le voyais. Chaque nuit, quand j'avais la force de me traîner dans le lit, sans me changer, et qu'il dessaoulait et venait se coucher à son tour, je sentais son bras enserrer ma taille et je l'entendais sangloter comme un enfant. Pensant que je dormais, alors que je ne pouvais que me tendre quand il me touchait encore une fois, il m'implorait de le pardonner. Mais il recommençait, le lendemain soir, et ce manège se répétait, dans un cercle infini.

Robin des BoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant