8 - Marianne

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 Pour une raison de rapidité, le shérif avait abandonné l'idée de me faire voyager en carrosse mais à cheval. Néanmoins, monter en amazone n'est pas la meilleure idée pour aller vite. Certes, plus qu'avec le carrosse, mais je ne pouvais pas galoper sans risquer de tomber.

J'avais toujours préféré monter à califourchon. Petite, mon père me faisait faire plein de tour placée ainsi, tandis que ma grande sœur préférait rester avec notre mère.

Le shérif chevauchait juste à côté de moi, prêt à dégainer pour affronter un possible assaillant. Moi-même j'étais inquiète... Cette conversation entre cet homme, Will, et Jane me hérissait les poils. Et s'ils décidaient de m'éliminer à cause d'une potentielle menace malgré la farouche défense de Jane ?

Ainsi, je guettais les sous-bois, les fossés, les croisements, m'attendant à n'importe quel moment une attaque qui me serait fatale. Le shérif avait bien essayé de me rassurer, et avait avancé le petit groupe d'homme qui nous entourait – deux à l'avant, deux derrière et un de chaque côté. Mais je n'étais pas rassurée.

Le trajet dura longtemps, nous étions partis à l'aube, et nous arrivâmes très tard dans la nuit. Chacun de mes muscles protestaient de ce traitement honteux qui ne leur laissait aucun repos. J'eus deux fois plus de mal pour descendre de ma monture et le shérif s'empressa, ravi, de poser ses mains sur mon corps pour m'aider à descendre.

J'étais de retour à Londres, auprès de mon oncle. Immédiatement, l'impression de liberté qui m'habitait à Nottingham déserta rudement et fut remplacée par une sensation d'oppression, d'enfermement. Ces remparts cachaient la vue que je pouvais voir du manoir du shérif ; la foule y était deux fois plus dense, plus agitée malgré l'heure tardive.

Je saluai le shérif, pris congé et me dirigeai vers ma chambre. Jane m'y attendait, rangeant quelques affaires ici et là. Quand elle me vit, elle se précipita vers moi pour me revêtir d'une robe de nuit et bien que j'eus tenté de la faire changer d'avis, elle refusa et ses doigts volèrent dans mon corsage. Je me tendais encore plus à chaque frôlement de ses doigts. Pouvais-je encore lui faire confiance ? Je n'en étais plus si sûre...

Une fois vêtue, je chassai gentiment Jane, bien que ma demande sonnait plus comme un ordre sec. Elle s'en alarma et insista durant de longues minutes pour savoir ce que j'avais. Jusqu'à ce que je craque et que je hurle :

- Jane laisse-moi !

Même à moi ma voix me sembla trop dure, trop méchante. Elle ne savait pas que j'étais au courant, elle ne comprenait pas. Je n'avais pas le droit d'être injuste...

- Jane, repris-je lasse, excuse-moi, mais s'il te plaît, vas-te coucher.

Éberluée, elle se plia en une révérence machinale avant de me quitter, jetant par-dessus son épaule plein de regards inquiets. J'inspirai à fond puis relâchai lentement l'air de mes poumons. Je répétai l'opération trois fois, le temps de calmer le tremblement de mes mains.

Légèrement plus paisible, je soulevai les couvertures chaudes et m'emmitouflai dedans. Je tâchai de m'endormir, ce qui se fit rapidement, étant épuisée par la chevauchée.

Il n'y avait eu aucun problème, je m'étais fait du mouron pour rien. J'étais même ridicule de me croire le centre de leur monde et leur principale crainte.

Je dormis bien cette nuit, totalement reposée. J'avais l'impression d'être surpuissante, inatteignable, intouchable, invincible. Même affronter Jane et ses secrets ne me faisait pas peur. Je ne savais toujours pas quoi décider la concernant, et je gardais le silence sur ses agissements le temps de décider.

J'étais même heureuse, plus d'une fois, je me surpris à siffloter un doux air paisible dans les couloirs du château sous les regards surpris des serviteurs passant alors. Plus d'une fois j'avais salué gaiement les gardes postés aux quatre cois des couloirs, alors que d'habitude, je ne disais rien et eux non plus. Plus d'une fois je souris stupidement. Plus d'une fois j'étais en paix avec moi-même.

Robin des BoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant