62 - Marianne

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- Où allez-vous de si bon matin, ma douce ? me questionna le shérif.

- J'ai envie de me promener, expliquai-je en freinant ma gaieté.

Il acquiesça doucement et désespéra de ne pas pouvoir m'accompagner à cause de la montagne d'affaires qui requéraient son attention. J'affichai une mine déçue et suggérais de préparer une promenade plus tard. Il donna son accord, et, une fois ma cape enfilée, je sortis le plus naturellement possible des appartements.

J'eus beaucoup de mal à ne pas courir vers les écuries pour sauter sur le premier cheval et galoper jusqu'au camp. J'arrivai avant midi, et sautillai dans les galeries, les rênes dans la main, un sourire montant d'une oreille à l'autre. D'ici, j'entendais l'agitation du camp. Je débouchai dans la clairière éclairée et vivante, puis, je me débrouillai pour me frayer un chemin en évitant de bousculer les personnes.

L'on m'ignorait, ou alors n'avait-on pas encore remarqué ma présence – ce qui m'aurait étonnée. J'étais à cheval, et n'étais pas un modèle absolu de discrétion.

- Mary ! s'exclama Richard sur ma droite.

Je souris en le voyant arriver, et il m'aida à regagner mon fils qui s'agitait dans les bras de son père dos à nous. Richard me faisait la conversation, prenant de mes nouvelles et j'en avais fait de même. J'avais ainsi appris, avec beaucoup de retard, qu'il avait perdu en grande majorité la motricité de son bras gauche suite au coup normalement mortel du shérif il y avait de cela des mois. Malgré tout, il semblait avoir repris du mordant, et souriait allégrement. Mais je ne doutais pas que les premiers mois avaient dû être horrible pour lui, ambidextre fétichiste des armes.

- Robin ! Devine qui est là, sourit l'ancien noble.

Le concerné se retourna, sourcil haut, avant de sourire largement en me voyant. Il essaya de caler Roland dans son coude, mais mon bébé, vigoureux, se releva et voulut quitter ses bras – alors qu'il n'avait qu'à peine une semaine.

Je lui souris et m'approchai. Robin me cala notre fils dans les bras. Roland agrippa immédiatement une mèche de cheveux et la mâchouilla. Rieuse, je respirai son odeur de bébé.

- Où est le papa le plus pénible de l'année ? cria la voix d'Allan. Non parce que moi j'attends là ! Comment veux-tu baptiser un bébé s'il n'y a PAS de bébé, hein Robin ?

Je me retournai pile poile quand le ménestrel arriva. Son visage fut éclairé d'un sourire et il me salua joyeusement. Je perdis le mien en voyant Much à sa suite. Je baissai les yeux mais le sien ne me quittait pas un instant. Gênée, je rendis Roland à Robin et fis mine de caresser la joue de mon bébé.

- Marianne ? m'appela-t-il. On peut aller parler ?

Je croisai les pupilles de Robin qui hocha doucement la tête. Je ne voulais pas lui parler. Much m'en voulait toujours et je n'avais pas envie de me prendre encore ses reproches à la figure. Bien que sa voix semblait s'être adoucie depuis la dernière fois, je n'avais jamais dit, à aucun moment, que j'étais courageuse. Et aujourd'hui ne faisait pas objection.

Mais... Je pouvais le faire. Je pouvais lui parler, l'écouter, régler nos comptes. Nous étions deux adultes qui devaient régler leurs différents. J'étais assez mâture pour le faire... mais le courage me manquait atrocement.

Néanmoins, j'embrassai la joue rebondie de Roland et après une dernière caresse dans ses fines mèches de bébé, je me tournai vers Much qui attendait patiemment les bras croisés sur son torse. Nous sortîmes de la cabane et marchâmes tranquillement sur les passerelles les reliant. Je n'osais pas faire le premier pas. Il m'en voulait toujours ; je le sentais. Mais qu'il essaie de me parler démontrer clairement qu'il faisait un effort pour les autres. Pour Robin, très probablement et encore plus pour notre fils.

Robin des BoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant