20 - Marianne

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 Je regardai Jane, s'usant à fabriquer du savon avec d'autres servantes. J'ignorais les étapes faites ou à faire, et ne tentais pas de le savoir. Je les observai, elles et leurs gestes minutieux, précis, mais rapides. Plusieurs personnes me dévisageaient étrangement ; que faisais-je dans cette pièce réservée aux domestiques pour qu'ils fassent leur travail ? Une noble n'avait-elle pas mieux à faire ?

La réponse était « non ». Je n'avais rien à faire, voilà une semaine que nous étions allés voir Elena, et voilà une semaine que je m'ennuyais fermement. Je voulais aider, cela m'agaçait de voir toutes ces personnes se fatiguaient alors que je somnolais à l'ombre.

Je ne trouvais pas un changement notable dans ma vie. L'on s'ennuyait, j'ennuyais les personnes autour de moi. Même Jane. Je le voyais dans ses yeux, ainsi que cette lueur inquiète.

Je crois que je reprenais un état léthargique, à ne rien faire, sauf à dépérir. Mais depuis un moment, sans doute deux ou trois semaines, je remangeais correctement sous les regards ravis du médecin qui avait tenté sans succès de me soigner. Je dormais mieux aussi ; je supportais de mieux en mieux le shérif de Nottingham, et bien que je le détestais toujours et que je mourrais d'envie de m'enfuir loin de lui, j'avais peur de commencer à l'apprécier.

Il était trop parfait. Me noyant sous une vague de présent tous plus beaux les uns que les autres, me couvrant de mots doux qui m'enveloppaient d'une douce couverture chaude et rassurante, me ménageant comme il lui était permis. J'aurais pu croire qu'il avait changé si je ne le voyais pas hurler sur des domestiques de temps à autre. Sans cela... j'aurais été la plus grande naïve de l'Histoire.

J'enroulai un peu plus ma cape autour de moi, me protégeant de ce vent frais annonciateur de l'automne à venir.

Distraite, je relevai vaguement les yeux sur les servantes qui mélangeaient difficilement le savon dans une grande bassine profonde. Je les survolai toutes, cherchant la femme qui m'avait élevée.

- Où est Jane ? m'inquiétai-je.

- Partie, my Lady. Elle ne voulait pas vous déranger et est partie.

- Où cela ?

- Elle n'a pas précisé, my Lady.

Je tâchai de déterminer si la jeune fille mentait ou non, mais son visage trop expressif d'une intimidation non feinte, d'un émerveillement de, peut-être, m'adresser la parole, ainsi que d'une crainte de représailles, me dissuadait que non. Elle tenta un petit sourire qui fit grossir encore plus ses joues enfantines. Je le lui rendis et ses yeux bleus brillèrent. Sa petite main repoussa une mèche de cheveux de son visage et elle fronça son nez en trompette.

Je les remerciai et partis à la recherche de Jane. Je ne savais pas pourquoi je m'inquiétais autant, après tout, qu'elle soit partie n'était en rien grave ou dangereux. Je secouais doucement la tête pour me remettre les idées en place.

Je déambulai plusieurs minutes, tâchant de décider si je devais partir à sa recherche ou laisser tomber. Elle ne risquait rien, elle était au manoir du shérif, en sécurité.

- Arrêtez-le ! hurla une voix d'homme au loin.

S'en suivit rapidement de cris féminins effrayés. Que se passait-il ? Pourquoi tant d'agitation ? Qui diable les gardes essayaient-il d'attraper ? Intriguée et me fichant stupidement de ma sécurité – cette personne devait être dangereuse –, je m'avançai dans la direction des cris, où plusieurs serviteurs tentaient de fuir en courant dans la direction opposée à la mienne. D'autres se plaquaient sur les murs, priant pour que cela passe rapidement.

- My Lady ! s'exclama l'un d'eux. Vous ne pouvez pas... c'est trop dangereux !

Je l'ignorai et continuai d'avancer. J'entendais leurs pas précipités dans une course folle qui se rapprochaient de nous.

Robin des BoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant