56 - Marianne

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Je rejoignis rapidement ma chaise, le souffle court et les larmes aux yeux. Essayant de les cacher, je prétexterais une poussière si jamais on les remarquait. Je sentis le regard inquiet d'Isabelle dans mon dos mais l'ignorai, et m'assis, une main sur le ventre.

Mon cœur battait à tout rompre. Robin. Robin. Jamais je n'aurais pensé le voir ici ! Le revoir même... Il avait été très clair ; il me haïssait. Je ne cherchais pas plus loin et pleurais seule.

Et son mensonge ! J'y avais tellement cru ! J'avais tellement pleuré sa mort... Il n'avait pas le droit. Il n'aurait jamais dû.

Le duc commentait les performances des candidats, valorisant les soldats. Ce concours n'était qu'une mascarade. Un piège pour attirer Robin. Et il avais magnifiquement bien marché. Je ne voyais pas Petit Jean ou même Allan ! Si Robin volait cet argent, il n'arriverait pas à s'enfuir... n'était le shérif qui allait être content.

Je fermai les yeux et soupirai discrètement. Je mourrais d'envie que le concours se terminât, pour m'enfuir dans ma chambre. Il fallait être patiente. Tout se passerait bien ; Robin allait partir, je pouvais toujours me servir de l'excuse du bébé pour les fuir. Le seul point négatif que personne n'ignorait était cette amas d'argent que personne à part le shérif ne pourrait gagner. Aussi doué soit Nottingham, les soldats seraient toujours plus entraînés qu'eux et auraient donc plus de chance.

- Comment se porte ce bébé et sa charmante mère ? me demanda alors le duc.

Surprise, je mis un moment avant de répondre que lui et moi allions bien. Je fus fière de mon jeu qui marcha, au vu de sa mine convaincue. Ma main caressa pensivement mon gros ventre. J'en étais à six mois de grossesse et je n'étais toujours pas fixée ; qui était le père de mon bébé ? Il y a dix mois encore, j'étais au camp, en pleine forêt. Et Robin... Mais le shérif m'avait retrouvée et n'avait pas perdu son temps. Il m'avait honorée comme il se plaisait à dire.

Et je ne savais pas. Robin comme le shérif pouvait être le père de mon bébé. Il allait de soi que j'avais une nette préférence pour Robin, même si cela signifiait que mon bébé serait en danger. Jamais le shérif ne laisserait son enfant grandir. Cependant, si c'était l'enfant du shérif... Je pourrais le garder, même si porter encore son enfant me répugnait. Je ne cherchais pas à remplacer Aurore, elle était avec moi chaque jour et elle me manquait terriblement mais...

- Mais que fait ce concurrent ? s'étonna Guisbourne.

Intéressée, je relevai la tête. Une silhouette capuchonnée s'avançait entre les différentes cibles et dès qu'elle était en face de l'une d'elle, elle tirait une flèche qui se figeait toujours au centre de la cible.

- Robin des Bois... murmura le shérif.

- Alors c'est cet homme qui vous ennuie tant shérif ? remarqua le duc. Il n'a pas l'air très impressionnant.

- Croyez-moi, intervins-je troublée, il est plus dangereux qu'il en a l'air.

Le shérif réagit immédiatement et me serra la main en soutien. Il interprétait tellement mal mes dires...

- Ne bougez pas, nous ordonna-t-il.

Il dégaina son épée et s'avança rapidement mais silencieusement vers Robin qui atteignait les dernières cibles. À aucun moment il ne rata son tir. Le shérif était à une centaine de mètres de lui quand il visa pour sa dernière cible. Un bâton de bois fin était planté pile au milieu, et à en voir le petit étendard, c'était un homme du shérif qui l'avait fait.

Robin ne se démonta pas et, la respiration relativement calme de ce que je voyais, il prit son temps pour viser.

J'angoissais ; il aurait dû partir ! Je l'avais prévenu, il savait donc que c'était un piège. Que faisait-il là à faire le fier ? Ah ! C'était bien un homme ! À montrer à tout le monde qui était le plus fort, prêt à tout pour écraser le shérif ! Un combat de coqs pour impressionner le poulailler et charmer une poule ! Qui avait la plus grosse et je ne savais encore quel autre chose ridicule ! Si le shérif l'attrapait, c'était sûr : il mourrait.

Robin des BoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant