60 - Marianne

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 - Marianne, souffla Isabelle, je ne suis pas sûre que...

- J'en ai besoin, Isabelle, la coupai-je. Je suis fixée par rapport à Robin, mais j'ai besoin de savoir pour les autres...

Ma voix se brisa sur les derniers mots et je me raclai la gorge.

- Dans votre état ? tenta-t-elle à nouveau.

- Je serai prudente, contrai-je, et prendrai le temps nécessaire, le double s'il le faut pour y arriver.

- Je n'aime pas cela... Vous allez bientôt accoucher, cela ne va pas tarder... Marianne, voyager jusqu'au camp des rebelles est dangereux... en pleine nuit de surcroît ! Et seule ! Avec tout le respect que je vous dois, c'est insensé...

Je glissai une main dans les mèches de cheveux qui s'étaient échappés de ma coiffure.

- Je sais, concédai-je, mais j'ai besoin d'aller les voir, de savoir à quel point ils m'en veulent... je dois affronter mes erreurs et leurs conséquences.

- Je le conçois Marianne, réellement, je comprends parfaitement. Mais ne pourriez-vous pas attendre encore un mois ? Le temps que vous accouchiez pour ne pas risquer de perdre le bébé...

Je souris doucement. Elle craignait un accouchement prématuré.

- Si jamais cela arrivait, dis-je, Arthur sera le mieux placé pour m'assister. Il l'a déjà fait une fois, et le connaissant, il ne me le refusera pas.

Enfin j'espérais. J'ignorais à quel point ils avaient pu tous changer, et les dires de Robin fréquemment subjectifs dans l'espoir de me rassurer ne m'aidaient pas.

Isabelle s'assit sur une chaise, dépassée. Elle ne savait pas comment me convaincre de repousser cette folie, mais elle savait qu'avec ou sans son aide, j'allais le faire. Et ce soir. Qu'elle le veuille ou non. Le shérif était parti à Londres pour régler des détails avec le roi Jean qui à ma plus grande surprise avait accepté de signer la Magna Carta qui donnait tant de nouvelles libertés, de nouveaux droits à tous les Anglais. Il revenait demain, donc aujourd'hui, cette nuit, était ma dernière chance d'aller les voir.

Je ne voulais pas repousser, fuir une nouvelle fois. Je leur avait mentis, je devais assumer et, pleine de courage et de conviction, j'étais déterminée.

- Laissez-moi vous accompagner...

Je souris doucement. J'allais refuser ; je n'ignorais pas que les insultes pleuvraient, et Isabelle, incapable de s'en empêcher, allait m'abriter, me protéger et je ne le voulais pas. Oh ! c'était sûr et certain ; sur le moment, je prierais pour qu'elle apparaisse devant moi et me protège, mais si elle le faisait, jamais je n'arriverais à les affronter, alors elle ne devait pas venir.

Quand je lui expliquais doucement, elle grogna fortement, pas convaincue pour un sous. Amusée, je sortis un petit rire et faussement vexée, elle se releva et s'attela à remplir ses tâches domestiques.

- Puis-je vous amener quelque chose ? me demanda-t-elle finalement.

Je refusai gentiment et allai m'allonger dans le lit. Bébé bougeait beaucoup et beaucoup trop. J'aimais beaucoup poser ma main sur mon ventre pour sentir ses coups de pieds.

Isabelle soupira alors et dit :

- Je vais vous préparer une collation pour ce soir.

Je souris doucement ; qu'est-ce que je ne ferais pas sans elle...

Stupide, j'étais stupide. Je voulais rentrer. J'allais le faire. Après tout, personne ne m'avait remarquée, moi, mon gros ventre et mon cheval nerveux. J'allais rentrer, me blottir sous les couvertures et attendre encore longtemps. Isabelle avait raison ; c'était stupide et dangereux. Jamais je n'aurais dû venir, c'était stupide. Ils devaient n'avoir aucune envie de me voir à nouveau, et devaient me détester. Non, je n'allais pas les déranger pour si peu. Ils avaient autre chose à gérer que mes états d'âme ridicules...

Robin des BoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant