7 - Robin

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Allan sourit, goguenard et je poussai un soupir à fendre l'âme. Il avait réussit, je ne sais comment, à nous traîner dans cette taverne, à une centaine de miles de Nottingham. Notre ménestrel estimant que nous ne vivions plus, que nous ne nous amusions plus, avait décidé de nous traîné dans une taverne pour que l'on « se déride un peu, espèce de vieille mémé fripée qui sort de son bain ».

Et dire que cet énergumène était notre ami...

Les principales personnes qui avaient protesté était moi, Petit Jean, et... c'était tout. Much, Will et Richard s'étaient rangé du même avis qu'Allan. C'était facile pour eux... Ils n'étaient pas les visages connus des Joyeux Compagnons, au contraire ! Personne, à part les rebelles, ne savait qu'ils en faisaient parti... Alors que mon faciès ainsi que celui de Jean étaient connus et placardés dans toutes les rues de Nottingham.

Pour ma part, ils trouvaient tous – même Jean – que je me mettais trop de pression par rapport aux vols, au shérif, aux Joyeux Compagnons et tout ce qui en était impliqué. Et comme nous ne pouvions pas aller dans la taverne de Nottingham, sous peine de risquer de se faire reconnaître, arrêter et tuer par un des sbires du shérif, Allan nous avaient traînés à une centaine de miles de Sherwood. J'avais émis l'idée qu'une vingtaine aurait suffi, mais notre artiste ne voulait rien entendre. Pour lui, une centaine était un minimum.

Au moins, aurions-nous le mérite de ne pas nous faire reconnaître...

Les bières coulaient à flots, l'hydromel se déversait telle une cascade dans le gosier de mes compagnons qui hurlaient de rire, comme toutes les autres personnes présentes ici, les eaux-de-vies jaillissaient de la même manière qu'un jet d'eau, et les déshydrater tous. Des serveuses de tout physique circulaient dans la salle, remplissant les chopes qui s'entrechoquaient, évitant des mains baladeuses. De l'argent allaient de mains en mains, selon les gagnants des jeux de hasard, de cartes, ou de dés, qu'ils s'empressaient de remiser et de tenter leur chance qui finissait inlassablement par partir ailleurs.

Allan, tout comme Jean, était saoul comme un cochon. Will se contentait de quelques bières, trouvant sans doute que quelqu'un devait rester assez clairvoyant pour que nous puissions rentrer. Mais il était rabat-joie quand il s'y mettait ; même moi je buvais plus ! Mais bon, nous l'aimions quand même... Richard, toujours aussi sage mais moins que Will, deviendrait dans le même état atroce qu'Allan s'il continuait sur sa lancée, et vu son énième chope se remplissant de whisky, je le pensais.

Allan voulut dire quelque chose – qui n'aurait eu ni queue ni tête même s'il était sobre – mais ne réussit qu'à bafouiller comme un bébé, ce qui déclencha l'hilarité des autres. Je m'autorisai un sourire avec une nouvelle gorgée.

- Robin... bégaya finalement Allan. Robin...

Il était coriace... Il n'abandonnait pas. Distraitement, j'entendis Jean et Richard misaient une petite somme sur la capacité d'Allan à dire ce qu'il voulait. Jean était persuadé que non, au contraire de Richard qui pensait notre ménestrel assez têtu pour y arriver, dusse-t-il s'y prendre cinquante fois.

- Robin...

J'émis un bruit entre le rire moqueur et le soupir désespéré.

- Robin... est... Robin, il est...

Allan soupira en pinçant les lèvres, entraînant un petit bruit étrange, de la même sonorité qu'une flatulence. Il éclata de rire, tandis que nous nous fichions tous de sa tête d'idiot.

- Robin, notre petit grand et gros Robin, il est...

- Allan, le menaça Richard, je te jure que si tu ne termines pas ta phrase, je te tue avant de te faire manger tes testicules !

Robin des BoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant