52 - Marianne

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 Prostrée dans les draps chaleureux, j'ignorais ostensiblement la main répugnante du shérif qui me caressait les cheveux en un geste réconfortant à ses yeux.

Richard. Mes pensées étaient obnubilées par lui, mais également par Robin. Il devait me haïr... pire ! Il ne devait même plus vouloir entendre parler de moi... Et Richard ! Est-ce qu'il était mort ? Le shérif lui avait transpercé la poitrine, il était à terre...

Une larme coula sur ma joue, et le shérif s'empressa de l'essuyer, inquiet.

- Marianne...

J'étais lâche. Une personne répugnante, honteuse, odieuse, détestable, menteuse, faible, arrogante et orgueilleuse !

Et mon bébé... et ma petite Aurore... Prenait-on soin d'elle ? Malgré mes actes ? Allait-elle en souffrir ou est-ce qu'Agathe, Mathilde, Constance ou Éléonore avaient encore assez de sympathie à mon égard pour prendre soin de ma fille ? Seule, elle ne survivrait pas...

J'étais une meurtrière.

J'aurais dû protéger Richard, assumer jusqu'au bout ma fuite. J'aurais dû le sauver. Pas fuir et mentir...

Ils m'avaient tous demandé ce qu'il m'était arrivé durant cette année et demi dans les bois. Je n'avais pas rectifié leur vérité : à leurs yeux, les rebelles m'avaient kidnappée et maltraitée jusqu'à ce que je réussisse à me libérer, à m'enfuir. Je n'avais rien dit, à peine acquiescer vaguement.

Tout le monde en parlait ; le shérif, le duc de Guisbourne, les soldats, craintifs pour ma sécurité, les mires eux inquiets pour ma santé mentale, les serviteurs, curieux, et d'après les commérages, même les gens de Nottingham s'inquiétaient.

Je ne sortais pas, mangeais à peine, pleurais chaque nuit, hurlais parfois. Isabelle ne me lâchait pas, jamais, sauf durant la nuit, congédiée sèchement par le shérif. La journée, elle restait dans les environs, me forçant légèrement juste pour avaler un bout.

J'avais l'impression d'étouffer ; je m'asphyxiais. Je ne respirais plus ; je n'avais plus mon oxygène, ma bouffée d'air, ma vie.

John passait me voir, fréquemment. Il ne disait rien, se contentant de tenir ma main dans la sienne. Parfois, il m'informait vaguement de l'avancée des recherches du shérif qui voulait à tout prix retrouver le lieu de séquestration de sa femme. John avait prévenu les rebelles qui s'étaient encore mieux dissimulés en vue des résultats négatifs obtenues.

Mais il ne savait rien pour Richard ou ma fille... il ne savait pas.

Retrouver ce luxe que j'avais eu était étrange ; à mes débuts dans le camp, je pensais que je ne pourrais jamais m'habituer à cette perte du luxe qui faisait de moi cette noble coquette. J'avais besoin de mes bains chauds, de ce savon doux sur ma peau, de ce parfum flottant dans l'air, de ces coiffes élégantes, de cette toilette. Pourtant, à ma surprise, je m'étais complet dans ce manque de luxe. J'avais même ressuscité.

- Vous devez bien vous souvenir de quelque chose... d'un détail particulier nous permettant de localiser leur repaire...

Richard, en sang dans cette petite clairière. Robin, arrivant trop tard.

Je ne répondis rien et me blottis encore plus contre les couvertures.

- Marianne... je n'ai pas voulu vous brusquer, mais j'ai besoin de savoir... Le bébé... notre bébé...

J'éclatai en de violents sanglots, allant jusqu'à avoir du mal à respirer. Le shérif paniqua en me voyant réagir ainsi, et s'empressa de m'enserrer dans ses bras. Au lieu de me calmer, cela ne fit qu'empirer mon état. Cela aurait dû être Robin ! Cela aurait dû être les bras de Robin, pas ceux du shérif !

Après plusieurs minutes, je m'apaisai toute seule et le shérif tenta de me faire parler sur d'autres choses qui pourraient l'aider à les arrêter. Or, pas un son ne franchit mes lèvres ; il en soupira, embrassa mon front sous mon frisson et sortit de la pièce. La seconde suivante, Isabelle arriva ; elle devait guetter le moment où il me quitterait. Silencieuse comme à son habitude depuis mon retour, elle s'occupa à sa manière, mettant en ordre des affaires, avant de m'apporter quelques biscuits à grignoter. J'en rongeais un seul.

- Tu crois que je pourrais retomber enceinte du shérif ? murmurai-je.

Il n'avait pas perdu de temps... Heureux de me retrouver, il m'avait « honorée » et l'idée de retomber enceinte de lui m'effrayer. Aurore... je ne l'avais jamais désirée, mais c'était ma fille, mon bébé, et je l'aimais plus que tout. Elle n'était en rien responsable des actes de son père, et si je le pouvais, tant que je le pouvais, je la protégerais de lui. Mais avoir un autre bébé en mon sein provenant de sa semence... non, je ne voulais pas.

Au fond de moi, je savais qu'Isabelle n'y pourrait rien, qu'elle ne pouvait même pas m'assurer que je n'étais pas enceinte en ce moment-même, pourtant, j'avais besoin de l'entendre me le dire.

Doucement, elle s'approcha du lit, s'assit sur le bord du matelas et se permit de me caresser les cheveux.

- Tout ira bien, my Lady. Tout ira bien.

Robin des BoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant