36 - Marianne

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 La fête battait son plein, malgré l'air maussade et grognon de Will Stuteley qui ne s'était toujours pas remis de la blague immature de ses amis mais qui m'avait tout de même tirée un sourire amusé qui n'avait pas vécu très longtemps. J'étais allée lui chercher un drap pour se sécher, malgré les tentatives d'Éléonore et Constance qui s'étaient prêtées au jeu pour m'empêcher de le faire, mais je savais qu'à sa place, j'aurais aimé que quelqu'un m'apportât de quoi ne pas mourir de froid. Alors je l'avais fait.

Quand il avait eu fini, nous étions tous repartis, et voilà maintenant des heures que les gens dansaient avec l'alcool et la musique. Cyrielle nous avait fait une prestation de sa voix prodigieuse, je devais l'avouer, et dans un coin, pour les enfants, des adolescents les faisaient rire en jouant une comédie. M'y intéressant de loin, je crus reconnaître le shérif de Nottingham parodié grossièrement par un garçon qui s'était vieilli avec du charbon et s'était grossi à l'aide de plusieurs tissu. Une jeune femme, toute belle, noble visiblement, était jouée par une fille d'environ du même âge que son compagnon. Un dernier personnage, avec un arc et un carquois, facilement reconnaissable, s'interposait entre le shérif et la femme que je supposais être moi. Les enfants riaient aux éclats, se permettant de lancer des petites choses inoffensives sur le shérif, qui, surjouant, se jetait au sol, agonisant.

Je souris légèrement, tout de même troublée par cette image qu'on voyait de moi – celle d'une jeune femme en détresse –, et eus un pincement au cœur en prenant conscience que c'était bien ce que j'étais...

Je secouais la tête, n'ayant pas envie que de telles images négatives ne gâchassent ma soirée festive.

Éléonore était déjà dans les méandres de l'alcool, et Constance commençait à la suivre. À vrai dire, en regardant autour de moi, j'eus l'impression qu'à part les enfants et adolescents, ainsi que les parents – les mères – qui les surveillaient, j'étais la seule personne sobre, ce qui était stupide, surtout après avoir vu toutes ces personnes l'étant également.

Malgré mes efforts, je ne pus empêcher une légère angoisse de me submerger. Je ne me souvenais que trop bien les réactions du shérif quand il était sous l'emprise de l'alcool, et bien que je ne possédais plus les marques, je sentais encore la douleur colorant ma peau.

Plus tard, dans la soirée, un Allan et un Much bras dessus bras dessous avec la liqueur enivrante, nous rejoignirent et nous proposèrent de nous joindre à eux. Éléonore gloussa, ravie, et Constance donna son accord sans que je ne puisse réfléchir à la question.

- Tu te prends trop la tête, affirma la plus saoule des deux en me prenant le bras.

- Sans doute... murmurai-je.

Elles nous traînèrent jusqu'à la petite bande qui plaisantait allégrement.

- Marryy ! s'écria Will. L'amour de ma vie !

J'eus un petit ricanement en le voyant si ivre d'amour pour tout le monde. Apparemment, ses amis l'avaient fait boire, et l'alcool emplissait Will d'amour, même pour Robin et Allan qui roucoula près de sa dulcinée, la faisant rire. Le pire était qu'il ressemblait énormément à un pigeon.

Will tenta de me prendre par la taille, mais je l'esquivais habilement, ses réactions trop lentes. Cela déclencha une hilarité de Richard, qui les entraîna tous à leur tour. Je tirai un léger sourire, qui mourut sur mes lèvres en entendant les paroles d'un Petit Jean totalement ivre.

Une main en l'air qu'il agitait doucement, le doigt tendu, il se pencha vers nous comme pour faire une confidence, et nous dit :

- Celui qui arrivera à faire rire Mary, ce type, il mérite d'être roi...

Robin des BoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant