27 - Robin

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Je grognai légèrement, ma position dans ce tonneau rempli de grains de blé étant inconfortable. Je ne pouvais pas m'y tenir assis, et rester accroupi durant plusieurs heures, sous les cahots du chariots à étouffer sous les gains était une horreur. Il m'arrivait parfois d'en avoir un ou deux qui venait dans ma bouche, et quand je les enlevais, un bataillon d'autres venait les remplacer, et ce, dans un cycle sans fin.

J'avais mal au dos, et aux reins, ma nuque m'était douloureuse à force de rester pliée. Je ne pouvais pas relever la tête sous peine de faire tomber tous les grains qui me recouvraient ; et je savais qu'à notre arrivée à Nottingham, les gardes vérifieraient la marchandise, et que cela pouvait tomber sur moi, alors pas question qu'ils remarquent une mèche de mes cheveux ou un bout de mes vêtements, même si l'envie furieuse d'ajuster mon veston en cuir sur ma chemise blanche me démangeait. Mes bottes étaient envahies par le blé et je priais pour que l'on fasse une pause afin de me soulager, cependant, j'étais également au courant que remettre tous les grains que nous ferions tomber en sortant dans les tonneaux serait long et ardu. Et nous oublierons obligatoirement un grain ci et là qui risquait d'attirer l'attention des soldats. Or, tout devait être parfait, et Colin, notre contact qui vendait son grain tout en nous infiltrant dans le château était une personne des plus précises et organisées. Tout devait être à sa place, et comme il venait fréquemment, tous les deux mois, les gardes avaient fini par le connaître, lui et son habitude de propreté, mais ils vérifiaient toujours, faisant leur travail à cœur. Et s'ils voyaient un grain, qui aurait énervé Colin... nous étions probablement fichus.

Alors je souffrais en silence, priant pour que l'on arrivât bientôt à Nottingham et qu'on portât les tonneaux à leur place, afin que je puisse sortir de là.

J'aurais bien voulu dormir, mais je n'y parvenais pas, d'un à cause de la position horrible, de deux, à cause de l'excitation et de l'adrénaline qui courraient dans mon corps.

Nous y étions. Nous allions attaquer et voler les taxes.

Nous arrivâmes à mon plus grand soulagement ; le chariot ralentissait et les gardes qui l'arrêtaient me le confirmaient. Je les entendis demander ce que c'était et Colin leur répondit que c'était des grains de blé et d'autres céréales qu'il comptait vendre au shérif. Des pas lourds montèrent sur la charrette et ouvrirent au hasard un tonneau – est-ce qu'un de mes compagnons y était caché ? – et de vérifier quelques sacs.

La plupart du blé était dans des sacs assez long pour cacher nos armes, et ceux-ci étaient tout au fond, en-dessous de ceux qui n'avaient que des grains. Mais comme nous ne pouvions aller dans des sacs, Colin nous avait cachés dans des tonneaux. Sur les huit qu'il y avait, cinq étaient occupés par Richard, Petit Jean, Will, Allan, et moi-même. Comme Much n'était pas encore connu physiquement des gardes, il était monté à côté de Colin qui conduisait le chariot.

- Aller, passez, ordonna un garde et les pas quittèrent le chariot.

Colin les remercia et leur souhaita une bonne journée avant de faire avancer le chariot dont une roue tressauta sur un cailloux. Je me figeai en tendant l'oreille ; pourvu qu'aucune arme n'ait tinté, ce qui serait surprenant au vu de l'emballage discret qu'elles avaient subi mais un bout avait toujours pu s'enlever et les cahots du chariot avaient très bien pu dégager la plupart des grains pour que la lame ou le pommeau se cognent contre le bois, et que le bruit créé soit assez fort pour que les gardes l'entendent. Mais je ne perçus rien et me détendis légèrement.

Nous étions dans le château, nous étions entrés, sans nous faire arrêter. La première partie du plan était faite. Je peinais à y croire ; nous l'avions fait ! Si j'avais pu, j'aurais eu un rire nerveux.

Je ne bougeai pas, attendant le signal que l'on avait convenu pour que nous puissions sortir en toute quiétude malgré un début de crampe au mollet. J'essayais de me soulager mais n'y parvins pas, ou les gestes que je faisais ne servaient à rien. J'espérais alors que Much et Colin se dépêchent de nous sortir de là.

Robin des BoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant