69 - Robin

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 Je me baissai d'un coup, esquivant la lame qui frôla mes cheveux. Je levai ma propre épée et l'abatis sur lui, dans un mouvement seulement utile pour me donner le temps de me redresser. Je parai coup sur coup. Et les lui rendais tout autant. Mes jambes n'avaient jamais été autant habiles, dansante avec les attaques et les parades.

Je levai mon bras, fis tourner mon arme au-dessus de ma tête, avant de l'abattre sur ma droite, à hauteur de la tête du shérif. Il bloqua habilement le coup, les deux mains sur la garde. La respiration à peine essoufflée, j'enchaînai sur une autre attaque avant d'effectuer une parade. Son coup de pied, déloyale mais pourtant normal et prévisible, m'envoya sur son bureau. Le souffle coupé, je crus voir danser des étoiles devant mes pupilles mais je ressaisis à temps. Je roulai sur le côté juste avant que sa lame ne s'enfonce profondément dans le bois. Il la dégagea facilement en même temps que je me redressais et me mis en garde, prêt à combattre.

Les éclats métalliques ne me tirèrent aucune grimace de déconcentration. Même la douleur cuisante dans mon dos ne me ralentit pas. J'en fis abstraction et détaillais le shérif, attentif à la moindre faille pour m'y engouffrer.

Le dicton « L'habit ne fait pas le moine » n'avait jamais été aussi vrai ; si l'on pensait qu'à cause de sa grosse bedaine, il n'était pas adroit dans ses mouvements et son jeu de jambes, l'on se trompait lourdement. Toutes ces années à m'entraîner, à rêver à sa chute, à la provoquer.... J'étais si proche du but. Ma motivation ne me quittait jamais ; je le faisais pour eux tous. Pour mon frère, qui voulait une meilleure vie pour son fils et sa femme.

Tentant le tout pour le tout, je levai mon épée au-dessus de ma tête, prêt à l'abaisser pour protéger mes flancs et mon ventre, et l'abattis sur sa tête. Avec une seule main, il vint l'interposer perpendiculairement à la mienne. Dans un mouvement très rapide que j'eus du mal à intercepter, il glissa le tranchant effilé sur mes côtes. Bondissant en arrière, l'épée déviant au maximum le coup, je sentis le sang couler en un petit filet. Je ne pris pas le temps de vérifier la gravité de la plaie, mais je la sentais légèrement profonde. En reculant, je sentis ma cheville se tordre et mon arme m'échappa quand je tombais au sol. Ma tête heurta la pierre froide et j'entendis toute mes flèches s'éparpiller au sol.

Je le faisais pour que mes enfants et ma femme puissent vivre heureux, sans crainte.

En une fraction de seconde, le shérif agrippa son pommeau à deux mains pour la lever bien haut et la faire redescendre tout aussi rapidement. Mes jambes poussèrent en même temps que mes mains les aidèrent. La pointe se figea entre deux dalles dans un crissement sonore. En honneur à Richard qui m'avait fait le coup une fois, je lui envoyai ma botte dans la figure et il hurla. J'eus la satisfaction d'entendre le sang gicler et de voir le nez se briser. Je n'en profitais pas et me relevai, à quatre pattes pour récupérer mon épée.

À deux doigts d'effleurer son pommeau, j'entendis avec distinction la précipitation de ses pas sur la pierre. J'effectuai une roulade avant. Au beau milieu d'une vingtaine de flèche, j'en attrapai une et la lançai avec aisance sur le shérif. Il évita la première, la seconde, laissant traîner la pointe de sa lame sur le sol. La troisième subit un magnifique lancer qui se termina dans sa cuisse gauche. Il beugla, comme un cochon que l'on égorgeait.

Sa main qui devait se plaquer sur sa blessure me permit d'avoir le temps qu'il me fallait pour récupérer ma lame. La douleur de mes côtés s'intensifia et m'arrache une grimace quand je me baissais. La main couverte de sang que j'essuyais grossièrement sur mon pantalon pour ne pas voir mon arme m'échapper des mains, j'envoyai le pommeau dans sa mâchoire. Désorienté, il agita sa lame en arc-de-cercle mais je m'étais déjà éloigné.

J'approchai de deux pas et fis le même mouvement que lui, mais la pointe taillada sa pommette. Écumant de rage, il m'attaqua sans me laisser la moindre chance de répliquer. Je soufflai comme un bœuf à chaque attaque que je peinais à parer. Haletant, je hurlai quand la chaleur brûlante du métal froid entacha ma peau.

Robin des BoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant