32 - Marianne

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 Assise au coin du feu, avec pour seule compagnie Jane, la seule que j'avais acceptée près de moi, qui respectait mon silence. Si j'avais su... Jamais, au grand jamais je n'aurais accepté d'aller à Nottingham avec Constance et Éléonore. Celles-ci avaient voulu vaincre ma peur tout à fait normale et logique de me rendre à Nottingham. Je craignais que le shérif ne me retrouvât ou qu'un garde ne me reconnût. Elles croyaient seulement que mon mari habitait dans les environs et voulaient me prouver que la ville était assez grande pour qu'il ne me trouvât pas.

Je n'aurais pas dû accepter, j'avais été stupide de le faire. Je ne me cherchais pas d'excuse ; je n'en avais pas. Mais qu'est-ce qu'il m'avait prise ? Croyais-je que, comme j'avais fuit, j'étais assurée d'être retrouvée ? Le shérif me cherchait, sans cesse, j'avais étais stupide d'avoir cru que je pouvais aller où je voulais ! Je devais me terrer, dans le camp, reprendre mes moyens et mes esprits, et fuir encore plus loin quand je pourrais, avec mon bébé...

Nous étions donc parties à pied à Nottingham. Nous venions tout juste de finir de couper les savons en rectangles réguliers et de les faire sécher dans une énième tente. À l'orée des bois, nous avions entendu des hennissements de chevaux, puis, juste après, j'avais perçu les cris du shérif donnant des ordres pour me retrouver. Ma respiration s'était accélérée, au même rythme que mon cœur battant dans ma poitrine et dans mes tempes. J'avais paniqué ; les larmes avaient coulé le long de mes joues rougies, je m'agitais, prête à m'enfuir loin d'eux, mais Constance et Éléonore m'avaient retenue, conscientes que si l'on se faisait remarquer, nous étions fichues. Elles avaient réussi à me contenir suffisamment longtemps pour que les gardes et le shérif s'éloignassent au loin et nous avions pu rejoindre le camp rapidement.

Maintenant, Jane restait à mes côtés, repoussant ses tâches à plus tard pour rester avec moi. Si j'avais voulu protester et lui suggérer de partir, elle m'aurait littéralement tuée du regard. Alors je ne disais rien, avec pour seule protection mes bras enroulés autour de mes genoux. Jane ne soupira à aucun moment, mais je la sentais réprimer une colère qui la consumait. Je lui jetai un petit coup d'œil discret. Sa mâchoire était aussi serrée que ses poings crispés.

- Marianne, commença-t-elle, et je sus que j'allais en prendre pour mon grade.

Rien qu'à son ton, je voyais qu'elle allait me réprimander ouvertement. Mais en plus, elle m'avait appelée par mon nom, alors que Mary était le prénom par lequel tout le monde m'appelait. Je savais que Jane ne prendrait pas le risque si nous n'étions pas dans cette situation.

- Le shérif ne peut plus rien te faire, alors vis, bon sang ! Ne vas pas à Nottingham si tu le souhaites, mais tu ne peux pas rester prostrée ici en priant pour que tu sois en sécurité ! Il va falloir que tu prennes des risques, ma petite. Il y a des dizaines et des vingtaines et des trentaines d'homme qui savent se battre pour tous nous défendre... toi comprise. Tu ne pourras pas toujours rester ici, à te lamenter sur ton sort. J'en ai connu d'autres qui ont été dans ton cas ! Et elles vivent très bien maintenant. Alors, maintenant, bouge-toi.

Son ton devint sec sur ses dernières phrases, ce qui me fit l'effet d'un coup. Agacée par mon mutisme, Jane se releva, me regarda pendant quelques secondes, attendant une réponse mais partit en ne voyant rien. Elle avait été dur, presque méchante. Mais je comprenais son point de vue... même avant qu'elle ne soit obligé de fuir définitivement le château, j'étais amorphe, n'ayant des coups d'énergie qu'à certains moments pour bien vite retomber dans cette état léthargique.

Mais elle ne pouvait pas promettre que je ne risquais rien... mon mari n'était pas un simple paysan ou un simple garde ! C'était le shérif. Le shérif de Nottingham. Il ferait tout pour me retrouver, même si cela devait lui prendre des années... Et si cela prenait des années ? Je ne pouvais pas vivre dans la crainte sans oser de vivre pleinement... c'était de cela dont parlait Jane. Elle estimait que je devais me reconstruire une vie malgré la menace du shérif... En serais-je seulement capable ?

Robin des BoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant