66 - Marianne

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 Allan croisa mon regard. Haletant, sa tête reposait sur mes genoux et je tentais de lui apporter un maigre réconfort en lui caressant les cheveux. Dans un état lamentable, il faisait bonne figure, ne se plaignant pas des blessures que lui infligeait le shérif.

Richard, toujours aussi infatigable malgré son état le plus préoccupant, cherchait une solution pour que nous nous enfuyions tous. Mais j'étais au regret d'annoncer qu'il n'y en avait pas. Il m'inquiétait. Une longue estafilade zébrait ses côtes. Et bien qu'elle ne semblait pas extrêmement profonde, il perdait beaucoup de sang, et la salubrité des lieux n'aidait pas à sa cicatrisation.

Petit Jean était le seul à être « intacte », du moins sur le plan des blessures. Il souffrait juste, comme nous tous, de malnutrition. Les rations que les gardes apportaient ne suffisaient pas, et les risques que prenaient Adelbert et Isabelle étaient trop importants déjà pour être multipliés. Avec Richard, il cherchait un plan, des failles, des solutions.

Will se prosternait dans un coin, la tête entre les genoux, immobile. Il ne disait rien, et cela m'angoissait. J'avais peur des répercussions que tout ceci aurait sur lui...

Frère Tuck, sans de départir de sa bonté, supportait moralement les prisonniers, et ne manquait pas de prier. Il racontait des histoires qui plaisaient autant aux enfants qu'aux adultes qui avaient besoin de se changer les idées.

Much, heureusement, avait réussi à s'enfuir avant que le shérif ne les arrêtât tous. Ils m'avaient racontée comment cette ordure s'y était pris. Mettre le feu à l'église pour débusquer de potentiels réfugiés... Quelqu'un avait dénoncé Frère Tuck, et comble de malheur, les garçons étaient présents dans l'église au moment où elle brûlait, pour arrêter le frère.

Personne ne désespérait ; tout le monde attendait Robin. Et je priais pour cela. Chaque nuit. Chaque jour. Chaque moment de liberté, loin du shérif.

Je souris doucement à Allan qui me le rendit. Il s'inquiétait, pour Agathe, pour Gabrielle, leur fille. Mais tant qu'elles resteraient dans le camp, tout irait bien pour elles. Je fermai doucement les yeux en entendant des pas monter les escaliers. Allan se redressa en grimaçant et soufflant comme un bœuf. Il boita jusqu'à Richard et Petit Jean qui s'étaient tendus. Will les rejoint et tous se concertèrent du regard. Je jetai un coup d'œil par la fenêtre de la cellule ; il était midi. Le Soleil était bien trop haut pour confondre l'heure.

Je vis Richard se retourner violemment vers moi, poings serrés. Je lui souris doucement. Je survivrais, il n'avait pas à s'en faire. Pas pour ça...

Il secoua la tête, comme à chaque fois depuis deux mois. J'avais pris l'habitude de tracer un trait pour compter le nombre de jour qui passait. Et cela faisait deux mois depuis que Robin était venu...

Mon quotidien... était devenu normal à mes yeux. Habituée. La peur était toujours présente, mais... j'étais habituée. Je savais ce qui allait m'attendre à chaque et... je m'y étais faite.

Alors, je me relevai et attendis patiemment.

- N'y pense même pas, souffla Petit Jean.

Je lui souris tristement. Trop tard. Le shérif entra et voyant les garçons ne pas vouloir le laisser passer, il appela plusieurs gardes. Ces derniers les écartèrent, et bien que Will et Allan furent les plus simples à éloigner, Richard et Petit Jean se firent littéralement massacrer sous mes cris. Je ne restais pas inactive et tentais de les aider, mais des bras me soulevèrent et m'emmenèrent loin des cellules.

- Mary ! hurla Richard avant de heurter le sol dut à un coup de poing.

Son odeur. Son odeur. C'était son odeur. Je poussai un cri et tentai de me dégager, mais sa poigne se resserra et me fit mal.

- Lâche-la ! Sombre sodomite !

L'insulte de Richard eut le mérite de le faire me lâcher. Je m'échouai brutalement au sol.

- Soit, siffla le shérif. Attachez-le.

Je me figeai. Non ! Non, non, non... Me relevant précipitamment, je fus interceptée par le shérif qui empoigna mon menton pour que je braque mon regard sur Richard. Deux gardes se chargèrent de le sortir de sa cellule pour l'attacher au poteau au point d'intersection entre les trois cellules. Bras levés, affalé de tout son poids, le shérif me maintint pile en face de lui tandis qu'un garde attrapait une longue lame. Je hurlai et vis du coin de l'œil Petit Jean avoir un sursaut de force vite anéanti.

Impuissante, je regardai la lame écorcher sa peau, la rendre vif. Nos hurlements ne servaient à rien, sauf à énerver le shérif. Décidé et fort, il bloqua mes bras d'une seule main et de l'autre, il réussir à écarter mes cuisses sans que je ne puisse rien y faire. Trop faible, je fus une nouvelle fois impuissante sous leurs cris communs. 

Robin des BoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant