Chapitre 24 : Corbeaux

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Une semaine plus tard.

« - Te sens-tu prête ? »

J'acceptai, le cœur battant la chamade dans ma poitrine comprimée, et je clignai frénétiquement des paupières, le soleil m'éblouissant.

L'ombre de la nuit me faisait face avec un affront incalculable, son regard assombri par le défi de cet après-midi : apprendre à contrôler mon don. Je devais le maîtriser à la perfection. L'amadouer et l'accepter. Pourtant je voyais déjà la fatigue m'accaparer devant l'ampleur de la tâche.

Le contrôler était une chose mais le dominer allait me demander une énergie incalculable.

Cela faisait trois jours que je m'éclipsais après le déjeuner afin de maîtriser ce qui était en moi et je voyais déjà les progrès s'accumuler. J'arrivais à puiser une infime quantité de flux solaire et à la contrôler afin de créer une braise plus ou moins imposante mais le pouvoir finissait toujours par avoir le dessus sur ma détermination, les flammes devenant incontrôlables.

Je contrôlais mon don uniquement lorsque je dominais mes émotions.

Je soupirai, essuyant mes mains moites sur ma robe blanche et écoutai attentivement les paroles de cet homme énigmatique :

« - Tout se passe dans ton esprit. Tu dois créer ce que tu veux qu'il soit. Tu dois imaginer ce que tu veux qu'il fasse. Tu dois convoiter ce que tu veux qu'il détruise. »

Je fermai les yeux, les dents serrées, l'habitude me tiraillant, et me concentrai afin de chercher ce don qui murissait en moi. Je m'aventurai dans les entrailles de mes tripes et je l'attirai comme un aimant. Je le captai et le gardai en ma possession, contrôlant le minimum d'énergie afin de ne pas m'épuiser.

« - Ensuite, sens-le s'approvisionner en toi. Sens-le vivre, battre en ton sein. »

Je pris une grande inspiration, brassant de l'air chaud, et je cherchai ce pouvoir enfoui, captant le sillon de mon don. C'était puissant, comme un brouillard : intouchable et pourtant bien présent. Il serpentait en moi, son antre bien gardé.

« - Pénètre dans son fort, va le chercher jusqu'au bout. »

Mon sang chauffait ardemment tandis que j'entrouvrais le cœur de mon don, le flux d'énergie m'assaillant tel un coup de foudre précis et intense.

Mes organes vitaux étaient en feu, des picotements me démangeant sur le bout de mes doigts et l'épiderme supérieur de ma peau cramait littéralement sous cette chaleur impitoyable. C'était presque insupportable.

« - Ne le libère pas tant que tu ne le contrôles pas. »

Je calmai cet incendie qui flambait avec furie puis je projetai une faible lueur au loin, mes paupières s'ouvrant pour observer convenablement la flambée.

« - Bien, maintenant exploite-le. Grandis-le jusqu'à la limite du contrôle. »

J'obéis, un puissant brasier me faisant maintenant face, des gouttes de sueur déferlant le long de mon dos et de mon front, la fumée embrassant le ciel bleuté.

Nous continuâmes ainsi durant de longues minutes qui me parurent durer des heures, l'épuisement me gagnant puis l'ombre de la nuit me raccompagna discrètement jusqu'aux portes de la chambre, son manque de reproche acquiesçant de ma progression.

Je domptais ce pouvoir mais lorsque je serai en danger, aurais-je une totale domination sur ce don ? C'était la question à laquelle nous n'avions encore aucune réponse. Nous serions fixés uniquement en temps de crise.

Je le saluai brièvement tandis qu'il disparaissait dans les couloirs vides et j'enclenchai d'une main ferme la poignée avant de pénétrer sans un bruit dans cette pièce, pour notre dernier jour sur les terres de Kakos, l'envie de m'écrouler dans le terme monopolisant mon esprit.

Empires II : ConquêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant