Empires II : Conquête

Chapitre 30 : Domination

Quatre jours. Quatre putain de jours. Cela faisait quatre jours que je tentais de contrôler cet oiseau capricieux et fascinant. Et plus les heures passaient, plus la forêt aux alentours diminuait de superficie, cramée par les cendres du Phoenix indomptable. On pouvait sentir les braises à des kilomètres à la ronde, la fumée s'évaporant vers les nuages obscurcis.

Le sentier n'était plus qu'un tas de cendre sous mes pieds. Mes joues étaient salies par la poudre noire graisseuse qui me collait au visage, la suie obstruant les pores de ma peau. L'air était parfois irrespirable et la chaleur insurmontable mais je tenais fermement sur mes jambes, mon esprit accaparé par le bruit sourd et distinct des ailes flottant majestueusement dans l'atmosphère.

Il était là. Il rodait. Il me testait. Parfois sous sa forme naturelle, gigantesque, mais souvent sous sa forme approchable d'un aigle lambda.

En ce moment, le Phoenix volait en rond au-dessus de ma tête, ses brassages d'ailes faisant virevolter la poudre incendiaire à mes pieds dans un nuage d'avertissement. Il ne supportait pas mes commandements.

αετός ! Descends ... Rejoins-moi.

Je ne cessais de le rappeler à l'ordre. De le supplier. De lui ordonner. Mais les seules fois où il avait accepté de m'écouter, c'était lorsque j'usais de ma magie. Lorsque j'utilisais mes forces obscures pour faire obstacle dans sa trajectoire afin qu'il se pose sur le sol, ses cordes vocales grondant de mécontentement à mon encontre.

αετός ! Redescends !

J'aperçus son bec foncer droit sur moi, ses ailes ployant l'air avec force, remuant la fumée qui nous entourait. Quand il ne fut qu'à quelques mètres de mon corps frissonnant, mon cœur accéléra sa cadence, impressionné par la brutalité et la finesse de ses gestes qui me tordaient parfois l'estomac de panique.

Cette créature sauvage, aux pupilles ornées d'or pur, m'affrontait tout en se retenant à la dernière seconde. À la dernière millième de seconde. Et les battements intempestifs de mon organe vital ne le supportaient que très rarement. Plusieurs fois j'ai cru finir déchiqueter par ses griffes ou décapitée par son bec. Même Gane avait fini par vouloir me dissuader de continuer.

Il va finir par vous tuer ! Cette créature divine, enfantée par les Dieux, est indomptable ! Nous ne pouvons pas nous permettre de vous perdre !

J'y ai souvent pensé. Presque jusqu'à l'admettre et l'accepter. Pourtant cet espoir de le voir vivant à mes côtés me remplissait d'un courage et d'une insouciance légendaire à toute épreuve. Je me croyais invincible. Avec le Phoenix à mes côtés, j'étais intouchable. Inébranlable. Et pourtant si fataliste. Mortelle.

Nous pourrions conquérir le monde ! Assouvir les armées à mes -nos- désirs et c'était excitant. Et même parfois terrifiant. Le pouvoir qui se logeait dans le creux de mes mains lorsqu'il m'obéissait était incommensurablement affolant. Vivifiant. Attrayant.

Mais encore fallait-il qu'il me laisse l'approcher.

Ses pattes lacérasses atterrirent avec férocité sur le sol, soulevant la couche de cendre, et il gronda de nouveau, sa gueule grande ouverte tandis que je l'entourais d'un feu ardent.

Αετός.

Je calmai difficilement ma respiration chaotique à cause de la fumée, nos cœurs bondissant avec affront, et l'appelai à apaiser ses ardeurs. Je répétai plusieurs fois le nom que je lui avais donné, tentant d'adoucir nos humeurs exécrables après ses quatre jours d'injures. Mais il reprit rapidement son envol, me laissant épuisée.

Je lui jetai un regard noir, pleins de sous-entendus, et tournai les talons après avoir éteint les flammes sous cette nouvelle et énième nuit dans les plaines du Nord.