La douleur est souvent éphémère. Transitoire. Passagère. Temporelle. C'est une blessure physique ou morale qui nous touche personnellement. On la ressent fragilement ou intensément. Elle peut disparaître progressivement. Mais parfois on la ressent jusqu'à notre dernier souffle. Elle s'amenuise sans jamais nous quitter. Certaines douleurs sont inoubliables. Inqualifiables. On les subit à chaque seconde qui passe comme une sentence. Une condamnation prononcée à la minute où nous percevons cette souffrance s'immiscer en nous comme une goutte d'eau dans un ruisseau. Avec puissance jusque dans les profondeurs de notre âme.
Et à partir de ce moment-là, nous savons pertinemment que nous ne vivons plus. Non. Nous survivons. Nous subissons chaque battement de cœur qui nous aura mené dans cette situation précise que nous avons délibérément choisie. Mais parfois nous ne voyons pas venir la douleur. Nous avons peut-être décidé de dénigrer les signes annonciateurs mais les faits sont là : nous avons mal. Cette douleur nous cloue les poumons, nous empêchant de respirer, comme si l'air n'était plus qu'un flocon méprisable dans un océan glacé.
Un lambeau insignifiant. Un fragment anodin. Un débris misérable.
L'oxygène n'est plus capté par nos cellules, comme si elles ne le méritaient pas. Ou que nous la refusions délibérément pour tenter d'atténuer ce mal qui nous oppresse. Qui nous abat. Qui nous accable. Comme un mur qui s'écroule sur notre tête, qui réveille une douleur vive et insupportable. Qui explose quelque chose en nous en mille morceaux, les envoyant se fracasser contre une paroi qu'on aimerait réelle pour apercevoir cette destruction interne puissante et fataliste.
Pourtant la souffrance est mentale, ce ne sont que des connexions de synapses et de neurones entre eux afin de faire passer un message à notre cortex cérébral. C'est biologique. Chimique. Neuronal. Mais le ressenti est tout autre.
Le torrent nous affecte directement de plein fouet. Nous renversant encore et encore. Nous bousculant. Et il nous atteint irrémédiablement. Toujours et encore. Comme si l'être humain se plaisait à se relever pour mieux retomber.
Comme si j'avais délibérément choisi les chemins qui me conduisaient dans cette situation bien précise où je souffrais, violemment, et observai, impuissante, Enrick mourir à plusieurs mètres de mon corps meurtri. Épuisé. Vacillant dans une boue humide et collante, ma colonne vertébrale accusant la retombée de la chute.
Mon corps souffrait mais ce n'était rien comparé à la souffrance intérieure qui me déchirait. Qui me détruisait, tel un bout de bois dans un feu de forêt. Avec facilité et désinvolture. Mon cœur pulsait énergétiquement, tentant vainement d'échapper à cet étau qui propulsait des larmes involontaires sur mes joues tâchées de terre. Ma gorge asséchée accueillait du sang terni, un hoquet de douleur bloquant le passage.
Complètement amorphe et vulnérable, un démon vicieux et horripilant se faufila dans mon champ de vision brouillé et trouble, me cachant la vue du soldat dépérissant sur un sol rempli de cadavres. Je suffoquai, affaiblie et manquant de m'évanouir tandis que mon bras bloquait l'attaque de la créature par automatisme.
Mon pouvoir agit sur le démon mais n'eut pas l'effet escompté puisqu'il ne recula pas, renforçant davantage sa puissance pour m'atteindre, sa tête surplombant la mienne et ses cheveux caressant avec horreur mon visage. Je multipliai mes dernières forces pour le tuer, mes muscles se crispant davantage et mon corps brûlant presque littéralement, pourtant ... rien ne parvint à l'éloigner. Cette ignoble et immonde chose maléfique traversa mes barrières et sa lame toucha ma poitrine, près de mon cœur qui battait rageusement contre ma cage thoracique inerte.
Pourquoi ma magie n'agissait-elle pas ? Je ne réfléchis pas longtemps. Le démon était beaucoup trop fort pour moi. Beaucoup plus fort que tous les autres que j'avais connu à présent. Et je compris avec désespoir qu'il était plus puissant. Qu'il avait sagement attendu que je faiblisse pour m'atteindre et m'abattre, comme un loup captant sa proie. J'étais fichue. Je vivais mes derniers moments.
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Empires II : Conquête
Paranormal/!\ Suite de Empires : l'émergence /!\ La guerre des trônes se prépare. Le combat est inévitable. Agathe le sait et décide d'y prendre part, aux côtés de son époux le Roi Azgar Knows, afin de récupérer sa couronne. Couronne qui, aux yeux de tous, es...