Chapitre 31 : Discours de guerre

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J'étais devant l'armée des Suprêmes, nerveuse et anxieuse. Tout se jouait ici. Mon avenir. Mon destin. Alors prenant mon courage à deux mains, j'emplis mes poumons d'oxygène, ayant subitement la bouche pâteuse, et me lançai. C'était quitte ou double.

Soit je me ramassai lamentablement. Soit ils me laissaient le bénéfice du doute. Mais tous ne m'accepteront pas totalement ce soir. Je devais conquérir le plus de cœur. Le plus d'âmes sensibles afin de les sensibiliser à notre sort.

À mon sort...

« - Bonsoir, débutai-je en souriant mais en gardant un sérieux et un air grave. J'aurais aimé me présenter pleinement à vous. Vous décrire mon passé, mes valeurs ou encore mes choix. Mais le temps nous est compté et je ne peux qu'espérer que vous comprendrez. Un jour viendra où vous saurez mais avant, nous devons nous unir. »

Jugeant leurs regards, je pris une grande inspiration, reprenant mon discours tandis qu'aucun suprême ne semblait offusqué par mes mots.

« - Je ne vous mentirai pas, ni n'abuserai d'aucun d'entre vous. Si j'assume le commandement de votre armée, je veux que vous l'acceptiez. Que vous m'acceptiez. Que vous m'accordiez votre vie comme je vous offre la mienne. Je veux être digne de votre courage et de votre héroïsme en ces temps douloureux qui se dessinent devant nous. Parce que ce serait vous mentir que de vous promettre la paix. Une harmonie future. Ou encore un pacte avec les autres royaumes dans les heures ou les semaines qui vont suivre. Car même si je le souhaite au plus profond de mon cœur, notre destin en a décidé autrement. »

Quelques chuchotements me parvinrent aux oreilles mais je n'y prêtais pas attention, observant seulement quelques hommes et femmes bouger sur leurs pieds, visiblement impatients.

« - Vous connaissez tous la prophétie, repris-je en entendant tambouriner mon cœur dans ma poitrine. Je ne vous apprends rien. Je ne cherche pas à m'en servir d'excuse comme un fait avéré. Je reste tout de même intimement persuadée que ce sont nos choix qui traceront notre route en toute délibération, même si notre destin entache notre prise de décision. La guerre était écrite. La guerre était attendue. C'était inévitable. Transmise par une prophétie de génération en génération. Et vous tous savez pertinemment la raison qui m'amène ici, devant vous à vous implorer de me suivre. De me faire confiance. De me léguer vos âmes, vos vies et vos serments. Je suis venue vous libérer »

Les traits des visages étaient sombres. Chaque individu qui me faisait face attendait mes paroles, comme si la suite de celles-ci allait conclure un jugement sur ma personne et je sentais que si je m'arrêtais, je ne trouverai certainement plus le courage de continuer ma tirade sincère, qui me laissait parfois peu de temps pour reprendre une inspiration nécessaire et vitale.

Alors dans un supplice, je continuai, voulant conquérir chaque cœur de sorcier animé par une magie qui me serait peut-être dédiée.

« - Je ne vous promets pas la victoire ... même si je suis intimement convaincue qu'elle est à notre portée de main. Qu'ensemble nous pourrions conquérir le monde. Qu'unis nous ferions de notre futur, un avenir meilleur et prospère. Que nos enfants méritent bien plus que ce que nous sommes capables de leurs offrir à présent. Mais pour cela nous devons nous battre contre les obstacles qui nous barrent cette route. Et si vous acceptez d'unir nos chances pour accéder à cet avenir alors je serais prête à me sacrifier pour chacun d'entre vous. La prophétie disait "Le jour où un Dieu descendra sur terre pour engendrer, la magie reviendra hanter les hommes, comme un aigle rougeoyant de beauté dorée et de flammes ravageant la noirceur. Ce phœnix prétendra au trône au terme d'une guerre sanglante.". Et la guerre sanglante est à nos portes. »

Je clignai des paupières, sentant ma bouche s'assécher et mes nerfs lâcher. Jamais je n'aurais pensé être cette femme forte qui s'adressait à une armée, acceptant son sort avec courage et persévérance. Et pourtant, mes propres mots renvoyaient cette figure conquérante que j'étais à cet instant. Et j'aurais aimé qu'on soit fiers de moi, pas qu'on m'observe comme si c'était inné et obligatoire.

Empires II : ConquêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant