Chapitre 28 : Gane

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Je regardai les chefs de clan se mettre autour de la table de stratégie, interloquée. Depuis quand Ravier avait-il rejoint les préparatifs de guerre sans mon consentement ? Je le lorgnai de travers, ne voyant pas arriver Azgar qui se posta à mes côtés, impassible.

« - Je te l'avais dit. Tes dettes deviennent miennes. Tu m'as laissée une panoplie de temps libre à Kakos. »

Ces quelques mots chuchotés avec fierté à mon oreille eurent l'effet escompté puisque je serrai la mâchoire à en faire craquer chaque dent entre elles. Comment avait-il osé me doubler avec les mercenaires ?

La flotte argentée m'avait fait serment d'allégeance à moi ! Et non au roi !

Je ruminai, mon sang affluant dangereusement de mon cœur à mes organes internes et je me maudis. J'aurai dû le voir venir. Le roi m'avait autorisée à apprivoiser mon don à Kakos afin de mieux me poignarder dans le dos. Et je comprenais mieux pourquoi m'envoyer chez le duc Hyern ne lui avait pas posé problème ; il voulait m'éloigner de lui afin de ramener les mercenaires à sa cause.

Et il avait réussi. La présence du chef de clan en attestait ouvertement.

Et malgré sa traîtrise, je ne pus m'empêcher de paniquer à l'idée que Ravier ait dévoilé mes origines. Il était le seul autour de cette table à connaître la prophétie ainsi que l'identité du Phoenix. Je craignais pour mon secret qui était en danger.

Ne le lâchant du regard, je cherchais au plus profond de ses entrailles les réponses à mes questions puis en vins à la conclusion que le comportement d'Azgar serait bien différent à mon égard s'il avait été mis au courant.

La flotte argentée avait seulement vu une excellente opportunité en voyant le roi arriver et ils avaient ainsi négocié une place dans la guerre. Une place plus présente. Plus prestigieuse. Une place plus rapide que celle que j'aurai pu leur donner.

Ils cherchaient la gloire.

Ils n'avaient rien dit au roi, pour le moment. J'en étais soulagée, pourtant je me mis à me méfier de leurs intentions. À qui étaient-ils fidèles ? À la couronne Nordyar ? À moi ? Je ne savais pas mais j'allais devoir éclairer cette facette de l'histoire.

« - Si cela vous permet de gagner cette guerre, marmonnai-je à mon tour. »

Je n'attendis pas la réponse de mon mari et tournai les talons, quittant la pièce dans un silence de marbre.

Il avait bien joué. Je devais l'admettre et cela me mettait en rogne. À chaque fois que je croyais qu'il me cédait quelque chose, il le faisait juste pour ses propres plans plus obscurs. Il avait réussi à me retirer des préparatifs.

Je n'avais pas pu négocier avec la reine Divina et les mercenaires n'étaient plus à ma botte. Azgar arrivait toujours à ses fins, qu'importe le prix.

Je soupirai longuement et bruyamment, relevant la tête avec défi en défilant dans les nombreux couloirs qui me menaient à ma chambre, les cuisses et le dos en vrac. Le roi arrivait à se frayer un chemin dans mon échiquier avec une facilité déconcertante. Mais ce qui m'agaçait le plus était le fait qu'il me virait complètement de mon propre jeu sans que je n'aie le temps de réagir.

Azgar était un fin stratège et je m'en mordais les doigts.

En pénétrant dans la chambre, je délaissai le lit et partis me laver dans le bain de coco. Une fois ressortie de ce liquide blanchâtre, June apparut pour m'habiller, les traits fatigués par le voyage.

« - Tu peux te reposer June. Demande à une autre servante de venir pour m'aider à me vêtir.

- Je tiens à le faire madame. »

Empires II : ConquêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant