Chapitre 37 : Perle noire

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« - Je savais que je te trouverais ici. »

Je relevai le buste du lit en peaux de bête, des cernes certainement énormes sous mes yeux, et clignai plusieurs fois des paupières pour remettre mes idées en ordre. Et ma vision nette.

En voyant l'homme qui me faisait face, je souris, somnolant encore légèrement, les membres engourdis et observai les yeux vert olive du soldat.

« - Ce n'était pas très dur à deviner, murmurai-je de mauvaise foi. »

Enrick étira tout de même ses lèvres rougies et recouvertes d'une barbe de plusieurs semaines avant d'approcher de quelques pas de mon corps.

« - Comment te sens-tu ?

- J'ai envie de dire dépassée par les événements mais j'y étais en réalité préparée. Je me sens juste fatiguée. »

Il acquiesça, sa carrure épousant la lumière de la nuit, et je finis par me frotter vigoureusement les yeux pour les réveiller avant de me lever définitivement du lit, mes cheveux retombant mollement dans mon dos.

Plusieurs semaines s'étaient écoulées depuis notre séparation et c'était la première fois que nous nous retrouvions seuls tous les deux dans une pièce non surveillée. Que nous pouvions laisser libre court à nos émotions. À nos sentiments. Et pourtant... beaucoup de choses avaient changé en son absence.

J'avais tellement appris sur moi. Sur mes convictions. Mes faiblesses. Mes forces. Sur ma capacité à survivre et à faire ce qu'on attendait de moi pendant son absence. On voulait que je sois reine et je m'étais comportée comme telle.

J'avais balayé avec désinvolture mes fragilités pour me forger un caractère qui faisait celle que j'étais devenue aujourd'hui : Une Reine Demi-Déesse qui marchait vers la mort avec courage et persévérance. J'avais érigé un mur autour de moi et je n'avais laissé qu'une seule et unique personne le franchir...

Mon mari.

Azgar avait été l'unique homme à m'approcher sans que je ne riposte et encore. Même avec lui j'avais appris à le maîtriser et à braver ses barrières pour l'atteindre et le repousser.

Je m'étais endurcie pour mon bien être et pour affronter mon destin. Et pendant tout ce temps j'avais mis Enrick dans un tiroir de ma tête pour ne pas sombrer en pensant à notre éloignement. J'avais voulu me protéger en l'oubliant et maintenant qu'il était là devant moi, silencieux, toutes les failles de mon mur érigé semblaient dévoilées.

Il me fixait de ses prunelles enjoliveuses et j'avais l'impression qu'il entrevoyait mes fragilités comme au premier jour. Comme lors de notre première rencontre dans cette auberge près de Rockfort. C'était déstabilisant. Ne pourrai-je jamais l'oublier ?

Mon esprit ne semblait pas en accord avec cette pensée.

Mon cœur semblait s'en déchirer d'avance.

Et mon corps voulait ne jamais l'éloigner.

Mon pouls s'emballa et je finis par craquer, me lovant contre son torse protégé par une armure raillée de coups d'épée. J'entourai mes bras autour de son cou, mes doigts frôlant ses longs cheveux blonds et je respirai son odeur si particulière et familière, soupirant de plénitude.

Il était en vie, son cœur battant rageusement dans sa poitrine.

Un désir enfoui et inapproprié se propagea tout le long de mon corps comme un frisson lorsqu'il me serra fermement contre lui, ses mains écrasant mon haut dans sa poigne si virile.

« - J'ai eu peur pour toi, avouai-je piteusement. »

Enrick ne me répondit pas et je profitai encore de son étreinte quelques secondes avant de m'écarter doucement, évitant son regard.

Empires II : ConquêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant