Chapitre 14 : Garder le cape

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Je pouvais entendre son cœur battre, comme s'il était juxtaposé au mien, sentir ses muscles se tendre et discerner ses inspirations qui accumulaient l'oxygène dans ses alvéoles pulmonaires irriguées par du sang chaud. Brûlant. Presque un carburant qui pourrait s'enflammer à n'importe quel moment.

Le triangle du feu : Un combustible, un carburant, une source de chaleur. Il réunissait les 3 en un seul organisme indomptable. Féroce. Invincible.

C'était fascinant et terrifiant.

Un monstre.

Une créature.

Un cadeau venu du ciel.

Je sentais ses ailes ployer l'air par de grands gestes majestueux, la vague de vent s'abattant contre mon visage. Mais lorsque j'ouvris les yeux, je ne vis rien. Absolument rien.

Pas de Phoenix.

Pourtant je savais qu'il était là, à nous survoler de loin au-dessus des nuages légèrement grisâtres. Mais aucune trace de l'oiseau légendaire qui m'avait habité.

Déçue et en même temps ravie d'avoir reçu un infime signe de vie, je me retournais vers le centre du navire et descendis les marches, sentant amèrement les regards des marchands sur mon corps avant que je ne m'engouffre dans l'humide couloir après quelques pas.

Cela faisait deux jours que nous avions pris le large vers Kakos et cela me semblait durer une éternité. Surtout que tous mes faits et gestes étaient encore surveillés par les hommes d'Azgar qui me suivaient comme une ombre trop encombrante. Ils m'inspectaient. Me jugeaient. M'examinaient sous tous les angles, tentant d'apercevoir une lueur en moi que moi-même je ne pouvais pas discerner.

Alors je les laissais faire comme s'ils n'existaient pas, espérant qu'ils finiront par se lasser de ne rien avoir sur ma personne.

« - Puis-je te parler Aguerta ? »

Je me retournais vivement, sur mes gardes, pour apercevoir Roan adossé nonchalamment à l'échelle en bois, m'attendant visiblement depuis quelques minutes.

Je fronçai les sourcils et l'invitai d'un mouvement de tête à continuer, ancrant mes pieds dans le sol qui tanguait sous les vagues.

« - Tu dois certainement savoir que j'entretiens une relation très profonde avec certains conseillers de la reine Divina.

- Oui j'ai pu en entendre parler. »

Il me sourit, creusant ses pommettes à peine visibles par le manque de lumière et le brun m'incita à avancer jusqu'à ma cabine, ce que je fis pour libérer le couloir.

Une fois rentrés dans cet espace clos, je croisais les bras sur ma poitrine, peu sereine, et me positionnais le plus loin possible de cet homme fourbe et charmeur.

« - Où voulez-vous en venir Roan ? Repris-je alors qu'il fermait la porte derrière lui.

- J'ai reçu un corbeau tôt ce matin nous concernant. »

Me méfiant davantage, je ne répondis pas et attendis sagement qu'il continue sur sa lancée. Je voyais bien son jeu : m'appâter dans ses filets par des informations ou par la séduction. Il jouait sur les deux tableaux, ce qui m'agaçait.

Il n'arrêterait jamais. Pas avant d'avoir obtenu mes faveurs.

D'un geste brusque et mesuré, il se débarrassa de l'une de ses chaussures, ne me lâchant pas du regard puis il en sortit une lettre blanche qu'il me tendit avec désinvolture et ferveur. J'arquai un sourcil interrogateur et suspicieux, l'observant d'un mauvais œil.

Empires II : ConquêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant