Chapitre 32 : Le front

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Point de vue d'AZGAR

Le sang. Cette couleur rouge qui maculait ma bouche. Ma peau ternie de boue et mes mains cloquées à force de tenir mon épée. Cette odeur épouvantable qui accompagnait la mort sur son passage et qui empoisonnait mes narines. Et cette texture collante et liquide qui se répandait et me coulait sur tout le corps.

Je pouvais sentir ce liquide rouge dégueulasse pénétrer ma bouche à chaque coup de lame que je projetais sur mon ennemi. Le sang giclait dans tous les sens, versant ces litres de liquide de survie dans la terre boueuse qui n'était devenue qu'un sol de débris meurtriers.

Je piétinai sur des membres déchiquetés, sur des hommes agonisant et même sur des chevaux souffrant le martyr, souvent blessés fatalement et pourrissant à petit feu.

C'était la guerre.

Les hommes courraient partout, cherchant à tuer l'adversaire ou à y échapper, chaque armure salie ou brisée par le combat. Personne n'en voyait la fin. Nous avancions de deux pas avant d'en reculer de trois. On restait cambré sur nos positions depuis des jours, les morts s'accumulant des deux côtés mais malheureusement, plus de mon côté.

Nous n'étions pas assez nombreux, la fatigue et les blessures nous faiblissant tandis que l'ennemi Worssard avait été rejoint par l'armée des Tar. Et malgré tous nos efforts pour tenir, nous perdions la guerre qui avait pourtant bien débuté à notre avantage.

J'avais affaibli l'ennemi le premier par un coup stratégique qui avait porté ses fruits mais maintenant c'était nous qui battions en retrait. Notre effectif diminuait alors que celui de Marcus s'agrandissait. Nous devions renverser la tendance, coûte que coûte.

M'acharnant davantage dans la bataille, je brisais le cou de plusieurs soldats Worssard, leurs yeux révulsant en arrière, face à la mort et redoublai d'efforts afin de tenter d'apercevoir ce traître de Marcus.

Je voulais le combattre. Il ne faisait pas le poids. Il se cachait. Était-il dans la fosse aux lions avec ses hommes ou attendait-il sagement derrière ses rangs en donnant des ordres ? Ce lâche serait capable d'abandonner sa patrie sans se salir les mains.

Je lâchai un grognement de fureur, mes poignets me lançant des crampes tandis que je faisais tournoyer l'épée autour de moi afin de tuer. Briser. Torturer l'ennemi. Je les achevais sans difficultés. Sans relâche. Sans remords. Et mon corps me criait intérieurement de lâcher prise avant qu'il ne s'écroule de lui-même dans la boue.

« - Majesté Knows ! Veuillez-vous retirer ! Votre second va prendre le commandement ! »

Les yeux plissés et collants de sang, j'anéantis avec brutalité et justesse encore quelques-uns des soldats qui nous faisaient face et lorsque mon général arriva à mes côtés, reposé, il prit ma place et je tournai en furibond les talons, finissant les soldats au sol de ma lame ensanglantée.

Les hauts gradés se relevaient afin qu'il y en ait toujours sur le front pour donner des ordres. Mais plus les heures passaient, plus le nombre de mes généraux diminuait, comme le nombre de mes soldats, morts. Nous avions besoin d'un revirement de situation avant l'aube.

Et je devais travailler toute la nuit qui allait suivre pour accéder à cet espoir qui nous tenait encore tous debout. Mais pas pour longtemps.

Je longeai mes rangs, criant des ordres et donnant des tapes aux dos des plus vaillants avant de marcher quelques minutes jusqu'à mon cheval qui m'attendait, retenu par un écuyer. Les cuisses en feu, je grimpai sur l'étalon et partis au grand galop jusqu'à ma tente, détournant les yeux de cette bataille.

Le ciel était noir, brouillé par les cendres et la fumée de nos projectiles enflammés. On pouvait sentir la puanteur des corps pourrissant à des lieux, les visages déformés par l'effort et le froid qui congelait les plus démunis.

Empires II : ConquêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant