Chapitre 45 : Raison de vivre

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Une semaine plus tard.

« -Tu ne partiras pas. »

Ce furent les seuls mots autoritaires et sans appels qu'Azgar avait réussi à prononcer après quelques secondes d'un intense silence éprouvant. Sa réaction avait été prévisible. Attendue. De son regard fermé à ses traits caractériels impassibles. Sa tendance à garder le contrôle sur ma vie reprenait le dessus. Encore et toujours. Et je ne savais plus si cela m'agaçait ou m'attirait. Son impénétrable et profond ton avait soulevé une multitude de frissons sur ma fragile peau, suivi d'une puissante accélération cardiaque lorsque j'avais perçu son bouleversement. Son émotion.

Le roi était touché.

J'étais perdue.

Mes pensées et mes réflexions étaient renversées depuis que June m'avait annoncée la nouvelle. J'étais enceinte de trois mois. Trois longs mois que je n'avais pas saigné. Que j'étais prise de vertiges et de nausées douteuses. Et je n'avais rien vu. Rien compris. J'avais inconsciemment fermé les yeux sur les signes annonciateurs. Et je savais pertinemment pourquoi : Je n'étais pas prête.

Mon esprit se morfondait encore sur la mort d'Enrick, écartant délibérément la vérité sur mon état actuel. Un enfant grandissait dans mon ventre. Dans mon sein. Dans mes entrailles. Et cela me remplissait d'un immense doute et d'une joie incertaine. Toute ma vie basculait. Mes priorités, mes choix, mes décisions. Et en moins d'une semaine, cet enfant était devenu ma priorité absolue. Plus rien ne comptait plus que ce bébé qui se développait en secret dans mon corps affaibli et changeant.

Je vivais maintenant pour cet enfant dissimulé. Masqué. Car rien n'avait été annoncé publiquement. Nous attendions le bon moment. Le moment opportun : la fête de la victoire que nous préparions ardemment depuis des jours.

« - Ce tissu céruse est plus terne que la teinture albâtre qui se marie à merveille avec le bleu céleste. Le blanc rappellerait les couleurs de la paix instaurée dans les contrées. Sinon, je peux vous proposer une couleur plus ocre qui symboliserait les différentes couronnes réunies. »

La peau de mes mains ripa doucement contre les tissus présentés face à moi, tout en les relevant pour les observer de plus près.

« - Le blanc albâtre ira très bien avec le bleu céleste, tranchai-je définitivement.

- C'est un très bon choix majesté. »

L'artisan rangea toutes ses tapisseries, les chiffonnant maladroitement tandis qu'aucune trace de replis n'était à déplorer avant sa sortie en trombe. Je soupirai, le dos courbaturé, et me tournai vers Bérénice, la veuve d'Arthur.

« - Je vous ai privée de votre balade à cheval avec les préparatifs, j'en suis navrée.

- Ce n'est rien, le festin occupe mes pensées et mes journées, et c'est le principal, m'avoua-t-elle ouvertement. »

Je lui souris chaleureusement, comprenant son deuil comme personne d'autre ne le pourrait et l'invitai à poursuivre notre chemin vers les cuisines afin de goûter les mets qui seront présentés durant la fête de la paix.

L'après-midi enneigé se passa sans encombre, comme les jours précédents, et je finis par libérer Bérénice qui rejoignit ses enfants, toujours aussi turbulents dans les couloirs du château. Cela donnait un peu de vie au palais qui se relevait petit à petit des sanglantes guerres subies. Et puis cela me rappelait sans cesse ma future condition de mère.

C'était comme un avant-goût, que j'appréciais avec appréhension.

Marchant seule dans le château, je finis par toquer avec légèreté à la porte du bureau royal et après avoir entendu un "entrez " strict et sans équivoque, je pénétrai dans ce lieu baigné dans une luxure sombre et désordonnée.

Empires II : ConquêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant