Chapitre 34 : Espoirs piétinés

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Son sombre regard m'avait fait froid dans le dos. Ses obscures prunelles m'avaient retournée l'estomac. Si Azgar avait pu m'atteindre, il m'aurait liquidée sur place. Tuée sans la moindre hésitation. Torturée avec extase. Fougue. Colère.

Et lorsque l'ombre de la nuit l'avait obligé à quitter les lieux pour rejoindre son armée, l'emmenant ainsi loin de moi, j'avais dû assister à un combat visuel sanglant qui aurait pu mener à un combat mortel entre les deux hommes aux carrures guerrières. Mais mon mari avait seulement reculé, encore sous le choc des révélations et du phœnix qui s'était évaporé.

Azgar avait fini par remonter sèchement sur son étalon, s'éloignant ainsi de moi, sans un regard en arrière, tandis que j'avais rejoint les commandants de l'armée des Suprêmes, après trois jours de stratégie.

Trois jours qui nous avaient servi à peaufiner les détails de notre plan :

Nous devions ramener l'armée Nordyar à notre cause et je devais ainsi convaincre Azgar de me suivre, en commençant par lui révéler mes origines. Il s'était braqué, comme je l'avais prévu, mais je ne devais pas abandonner pour autant. Son armée serait la première à ployer le genou et ne serait pas dernière. Les armées de Rockfort et Tar allaient suivre. Ils devaient cesser de s'entre-tuer alors que les créatures de l'enfer marchaient sur nos terres, profitant de nos faiblesses.

Nous devions aussi protéger les villageois attaqués en forçant les nobles à les accueillir sous leurs toits tout en leur ordonnant d'ériger impérativement de grandes colonnes de flammes afin d'éloigner les démons. Je m'étais ainsi servie du réseau de servantes et plus précisément de June afin qu'elle fasse passer un message, de bouche à oreille sans intermédiaire direct, au peuple : "Abritez-vous et rejoignez les forteresses". Ils étaient sous notre responsabilité.

Et dernièrement, j'avais profité des dernières nuits afin d'habituer le phœnix à ma présence. À mes directives. À mes recommandations, sous le regard attentif de Gane et de l'ombre de la nuit qui me jugeait sans cesse en silence. J'avais lentement appris à être patiente et j'avais diminué mes désirs. Mes exigences à l'encontre de l'oiseau légendaire.

Je ne cherchais plus à le toucher. Ni à lui ordonner contre son gré, surtout lorsqu'il se mettait en période de chasse. Et il finissait par m'accepter, petit à petit. Pas à pas. Ce n'était pas totalement acquis mais c'était mieux qu'au départ. Et surtout, j'avais cédé sur mes défenses.

Si je voulais qu'il me fasse confiance, je devais lui faire confiance. Je ne devais - et ne voulais -pas fonder une relation de domination mais une relation entre alliés. Je devais lui donner autant qu'il me donnait. Alors lorsqu'il désirait que je m'éloigne, je le faisais. De même lorsqu'il me demandait silencieusement d'écarter les suprêmes. Ou encore lorsqu'il gueulait de son bec acéré pour que je traverse les flammes.

C'était donnant-donnant.

« - Les démons ont décimé plus de la moitié des navires qui tentent maintenant vainement de battre retraite mais nous n'arriverons jamais à temps pour sauver ce qui reste à sauver, m'informa le plus jeune des commandants dénommé Herrion.

- Combien d'hommes combattaient en pleine mer ?

- Des dizaines de milliers en comptant ceux qui traversaient l'océan pour rejoindre les troupes du roi Marcus. »

L'air grave, je me retins douloureusement de baisser le regard face à la tristesse et l'impuissance qui accaparaient mes entrailles. J'avais dû faire un choix. Un choix stratégique et j'avais ainsi condamné des milliers d'hommes à la mort. Des milliers de familles brisées au deuil. Des milliers d'enfants orphelins. Et ce constat aggravant accablait mon esprit de torture, mon cœur se serrant davantage.

Empires II : ConquêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant