Chapitre 27 : Précipitations

878 132 108
                                    

Les minutes s'enchaînèrent et je trépignais d'impatience derrière la porte, les cris de douleur de la femme du duc me clouant une boule d'angoisse dans la gorge. C'était insupportable. J'en étais fiévreuse à sa place, des frissons d'effroi me parcourant le corps à chaque plainte audible.

Me tournant les pouces en attendant l'ombre de la nuit, je prenais de grandes inspirations pour garder un calme accaparent, les soldats d'Azgar usant de tous leurs moyens pour avancer le départ. Aucun homme ici présent ne semblait sensible à la souffrance de cette mère agonisant sur le sol de sa maison, tous me conseillant d'ignorer ses cris, ce à quoi je m'évertuais à répondre toutes les deux minutes que je ne voulais pas être indifférente à sa douleur comme le serait n'importe quel autre souverain. Je récoltai ainsi des regards noirs, des insultes marmonnées ou encore des grognements de mépris.

Mais je m'en moquais lourdement, ma conscience me dictant que je faisais le bon choix. Cependant j'étais en accord avec eux sur un point : nous devions faire vite sinon nous pourrions être découverts et ma tentative de sauver la mère et son enfant serait vaine.

Nous jouions une course contre la montre.

Alors en voyant Enrick revenir d'un pas rapide, peu serein de rester ici plus longtemps, je lâchai un soupir et écoutai attentivement ses paroles :

« - Il pense que c'est une mauvaise idée. Que tu es en train de mettre en péril ton avenir et celui de plusieurs peuples pour ...

- Une mère et son enfant, terminai-je. Cela peut paraître absurde de risquer autant mais être utile au peuple ne veut pas forcément dire voir grand. Penser à deux individus ne veut pas dire que j'oublie le reste de la population, le reste de mes responsabilités. Je veux seulement les sauver, comme j'aurai aimé qu'on le fasse si j'étais dans sa situation. »

Son soupir s'éternisa dans le temps et lorsqu'il acquiesça doucement de la tête, mon corps relâcha la pression et je lui souris, reconnaissante, tout en déclarant fermement :

« - Ne perdons pas plus de temps. »

J'accourus à l'intérieur de la chambre et m'accroupis au chevet de cette femme, trempée de sueur et rouge face à l'effort. Je tentai de la rassurer et toutes les servantes finirent par sortir de la pièce sous mon ordre, Enrick et l'ombre de la nuit y entrant à leur tour.

Je pris ses fragiles mains tremblantes dans les miennes et elle les serra à rompre chaque os en mille morceaux, sa douleur se canalisant dans cette poigne. Je grimaçai légèrement mais ne laissai rien paraître de ma souffrance, observant le sorcier dans toute sa splendeur.

Je ne l'avais jamais vu aussi sombre et énigmatique qu'à cet instant, son regard me tiraillant les entrailles de doutes. Comment allait-il s'y prendre ? Comment allait-il faire ce que j'attendais de lui ? Je n'en savais rien, une goutte de sueur froide descendant lentement dans mon dos, comme un présage de ma présence dans cette affreuse chambre remplie de plaintes étouffées.

Prenant mon courage à deux mains, je me plaçai derrière la duchesse qui pleurait à chaudes larmes, nos doigts s'entrelaçant. Je coinçai sa tête sur mes genoux et attendis, mes prunelles captant celles d'Enrick, resté en retrait.

Il me regardait au loin avec intensité et embrasement, s'affranchissant des règles de la noblesse qui nous séparait depuis le début de nos retrouvailles. C'était perturbant. Je pouvais sentir le feu remuer en moi, comme réanimé par ses pupilles émeraudes téméraires. Il était imprudent de montrer autant d'ardeur à mon égard, le fin duvet qui me recouvrait les bras s'hérissant doucement.

Mon pouls s'accéléra. Mon ventre se noua. Mes cuisses se resserrèrent. Ma respiration se stoppa. Jamais je ne m'étais sentis aussi désirée et sensible au charme d'un homme qui se situait à plusieurs mètres de mon corps en chaleur.

Empires II : ConquêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant