Chapitre 30

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Un goût de bile en bouche, je me saisis du téléphone de Luc, et appuie sur le bouton lecture de la vidéo dont je suis la star. Si j'en crois l'image figée qui apparaît en dessous du petit triangle blanc.

L'image est un peu floue au début, on voit des corps sans tête danser sur « Work » de Rihanna. Une chanson que je ne porte pas particulièrement dans mon coeur. Pourtant, après quelques secondes, on me voit, passablement éméchée, me déhancher sur la musique.

Seule, dans un premier temps.

Je suis ensuite rejointe par deux autres filles, dans un état proche du mien. Coincée entre elles, j'ondule du bassin, les mains dans les cheveux, ma jupe retroussée sur mes cuisses, mon t-shirt noué sous ma poitrine. Cette danse, mon attitude... C'est d'une vulgarité. Je n'arrive pas à croire que c'est bien de moi dont il s'agit. Je n'ai aucun souvenir de cet épisode, et pourtant, j'en suis la star. Il n'y a aucun doute la-dessus. Je voudrais fermer les yeux et éloigner l'appareil de mon visage.

Mais je n'en fais rien, je me force à regarder jusqu'au bout. Sans pouvoir détacher mon regard de moi, de mes gestes, tous plus provocants les uns que les autres. Sur les dernières notes, les filles s'approchent un peu plus, rendant cette danse encore plus lascive qu'elle ne l'était déjà. Et tandis que des garçons autour de nous nous fixent, l'air pervers, l'une d'elle passe ses bras autour de mon cou et m'embrasse goulûment.

Mon dieu.

Du bout des doigts, je rends son smartphone à Luc et rejette ma tête en arrière contre le mur, qui m'apparaît comme un soutien insuffisant, à présent. Les yeux baignés de larmes, j'ai du mal à contenir ma peine. Comment ai-je pu me mettre dans cette situation ?

Je n'ose même pas imaginer ce qui se dit sur moi en ce moment. Les mots qui circulent à mon sujet, et les ragots qui s'échangent de bouche à oreille, en ce moment, alors que les regards sont encore tournés vers moi. Et les réseaux sociaux...

- C'est une catastrophe, je parviens à articuler, la voix secouée par les sanglots.

Devant moi, Luc semble chercher ses mots, il ouvre la bouche, puis la referme et finalement, il soupire en se collant à moi. Comme un seul homme, nous nous laissons glisser lentement au sol, dépités par la tournure que viennent de prendre les événements.

Cette soirée devait m'aider à faire le vide, à me distraire et à m'aider à revenir encore plus motivée.

Et si on dirait bien que j'ai réussit à me « laisser aller », les répercussions ne vont pas me conforter dans ma petite rébellion. A vrai dire, quand je vois tous ces gens qui m'entourent et qui me dévisagent, je n'ai qu'une envie. Me faire toute petite et disparaître.

- Je suis tellement désolé, marmonne Luc, sans me regarder.

Surprise, je me tourne vers lui, incrédule.

- Pourquoi tu t'excuses ? Tu n'y es pour rien. Toi et moi, on sait très bien de qui vient de sale tour.

- Oui, mais c'est moi qui ai voulu que tu viennes. Moi qui t'ai laissée tomber pour discuter avec des étudiants. Si j'avais été là, auprès de toi...

- Stop. Si tu avais été là, tu n'aurais pas profité de ta soirée comme tu l'as fait. Je suis grande, je peux me débrouiller. Et puis, avec toi dans les parages, je ne me serais pas retrouvée en tête à tête et il ne m'aurait pas dit que je lui plais. Je décide de taire ma déception quant à la fête et à son comportement. Inutile de l'accabler davantage. Il n'est pas responsable de mon manque de sociabilité.

- Sérieux ? Et tu comptais me le dire quand ?

- Au moment où je te verrais... Mais j'ai été distraite, du coup.

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