On peut toujours tomber plus bas - 3

4.7K 564 80
                                    

Harry ne s'attendait pas à voir Ron assis à la table des Serpentard en train de manger des sandwiches à la saucisse avec du ketchup qui lui dégouline dans le cou. À l'évidence, les autres Serpentard non plus car quelques-uns des plus jeunes – et moins dégourdis – ont choisi de s'asseoir à côté de lui, et non le plus loin possible de ce spectacle. 

Harry s'ordonne, très fermement, de ne pas regarder plus loin pour voir où est assis Malefoy et se glisse en face de Ron. Il se rend compte que c'est la première fois qu'il voit quelqu'un s'asseoir à la « mauvaise » table, en dehors des vacances de Noël. C'est un peu bête, maintenant qu'il y pense. 

Ron – du moins, les morceaux de Ron que Harry aperçoit à travers le ketchup – a l'air incroyablement soulagé quand il le voit arriver. 

— T'en a mis du temps ! marmonne-t-il, la bouche pleine. Ça fait des plombes que je suis là. Hermione était avec moi au début, mais elle a dit que si elle était forcée de me voir manger une seconde de plus, l'amour s'éteindrait, alors je me suis dit qu'il valait mieux que je lui rappelle ce livre qu'elle voulait emprunter à la bibliothèque. 

Il fait une pause pour prendre une bouchée gigantesque. 

— Ça donne – humpf – de l'appétit d'être assis là avec – humpf – cette bande de branleurs, je peux te le dire. 

Il mâche avec enthousiasme. 

— Il vaut mieux manger que parler, tu vois ; on ne peut pas balancer de maléfice avec la bouche pleine. 

Harry regarde autour de lui, un peu sceptique, et il croise le regard de quelques premières années – ils ont l'air davantage fascinés qu'offensés, alors il essaie de se détendre. Il se sert des œufs au lard ; pour une raison inconnue, les saucisses ont perdu de leur attrait. 

— Hermione a bien dormi ? demande-t-il. 

Ron devient pivoine et fait une tentative vaillante mais vaine pour respirer son sandwich plutôt que le manger. 

— Comment veux-tu que je sache ? gargouille-t-il entre deux bruits d'étouffement. 

Quand il a fini de presque mourir, il semble comprendre ce que Harry voulait dire en réalité, et se met à rougir de plus belle. 

— Oh, heu, par rapport à ses nouvelles camardes de chambre ? Eh bien, elle était couverte de poils de chat, alors il y en a au moins une avec qui ça se passe bien. 

Il contemple d'un air peiné les restes de son sandwich. 

— Ce n'était pas pareil sans toi au dortoir. Enfin, Terry a ramené ce super jeu que sa tante lui a offert pour son anniversaire, et Justin nous a fait goûter cette liqueur crémeuse trop bonne que les Moldus boivent – ça s'appelle du Baileys – et on ne s'est pas couchés avant trois heures du mat', mais... 

Il s'interrompt, l'air penaud. 

— Heu, ça aurait été mieux si tu avais été là, mon vieux, c'est certain. Peut-être que tu peux te faufiler dans la Tour et nous rejoindre la prochaine fois ? Je crois que Neville veut faire une fête vendredi. Il pense avoir trouvé une ruse pour que le château nous laisse rentrer dans le dortoir des filles. Un truc avec une nouvelle plante sur laquelle il fait des recherches. 

Il enfonce le reste du sandwich dans sa bouche. 

— Enfin, le dortoir des filles, ce n'est pas de tout repos avec Parkinson et Bulstrode qui y rôdent, remarque-t-il en projetant des miettes. 

— On n'a jamais fait de fêtes dans notre dortoir, dit Harry en repoussant ses œufs au lard. 

Il n'a plus vraiment faim, bizarrement. 

— Eh non. Il faut dire qu'à Gryffondor, on était un peu occupés à chasser le mage noir le plus puissant que le monde ait connu, fait remarquer Ron avec raison. 

Il laisse échapper un gros rot avant de faire un grand sourire à Harry. 

— On a bien le droit de s'amuser un peu, pour compenser tout ça, non ? 

Harry lui rend son sourire et essaie d'oublier qu'il est un Serpentard désormais. Et qu'il n'a pas le temps de s'amuser. Il a cinq ASPICs à passer, et ça fait deux ans qu'il n'a pas mis les pieds à l'école – il n'est pas certain de se rappeler quoi que ce soit de ce qu'il a appris, et même s'il a appris plein de choses sur le tas, il n'est pas sûr que ça comptera vraiment quand il devra écrire cinq rouleaux de parchemin sur les différents usages de la potentille tormentille dans les potions. 

Une fois que le petit-déjeuner est débarrassé, les directeurs de Maison passent avec les emplois du temps. Slughorn s'arrête devant Ron avec un clin d'œil. 

— Peut-être que la prochaine fois que Harry passera à mon bureau prendre un thé, tu pourras te joindre à nous, mon cher Serpentard honoraire ? 

— Heu, oui, pourquoi pas, dit Ron en réprimant à l'évidence son envie de foutre un coup de boule à Slughorn pour l'avoir traité de Serpentard, avant de se rendre compte – un peu tard – qu'il ne risque guère de trouver de compassion à ce sujet chez Harry. 

Celui-ci renifle et ouvre son emploi du temps. 

— Trois heures de potions à la suite, dit Ron d'une voix désespérée. Deux fois !

— Oui, répond Harry avec un enthousiasme équivalent. 

Il parcourt rapidement son emploi du temps. Tous ses cours font trois heures, mais il semble que Potions est le seul qu'il ait deux fois par semaine. La plupart de ses après-midi ont l'air merveilleusement libres. Il pousse son emploi du temps vers Ron.

— On a cours en même temps ?

— Oui, merci Godric, dit Ron après un petit moment d'angoisse. 

Harry sent un nœud se défaire quelque part en lui. Il est obligé d'être à Serpentard, oui, mais au moins, il pourra travailler en binôme avec Ron pour la plupart de ses cours. Il essaie de ne pas se demander si Malefoy prend les mêmes cours que lui. On s'en fiche, non ? 

Sauf que Harry ne s'en fiche pas, constate-t-il avec morosité. Il aimerait vraiment que ce ne soit pas le cas, mais c'est comme ça. Il n'arrive même pas à savoir s'il a envie que Malefoy prenne les mêmes cours que lui... ou non. Dans un cas comme dans l'autre, c'est horriblement stressant. 

Ron fait un drôle de bruit étranglé, et Harry tourne la tête vers lui, sorti de ses pensées. 

— Quoi. 

— Est-ce que, heu, tu attendais du courrier aujourd'hui ? demande Ron en levant un doigt tremblant. 

Tatoué sur mon cœur  - DrarryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant