Le Dodu Dindon - 4

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Le serveur leur amène le plus petit filet de pigeon imaginable assorti d'une mousse blanche inidentifiable, et il se retire.

— Tu sais, gagner c'est révéler moins chouette que je l'espérais, dit Harry en fixant son assiette. Un peu trop de funérailles à mon goût, et tout le monde se force à être enjoué H24, et est-ce que tu as remarqué que les gens adorent me suivre partout ?

— Mon cœur saigne pour toi, répond poliment Malefoy.

Il découpe un morceau de pigeon et l'examine attentivement.

— C'est tellement saignant que l'oiseau vole presque encore, murmure-t-il avec une grimace.

Mais il le met quand même dans sa bouche et émet aussitôt un bruit de plaisir.

— Mmh !

— Est-ce qu'on peut admettre qu'on a tous les deux de bonnes raisons de se détester et en rester là ? demande Harry en attaquant son filet.

— Alors tu me détestes ? demande Malefoy avec un air d'indifférence.

— Heu, non, répond Harry.

Et puis il attend que Malefoy dise que lui non plus ne déteste pas Harry. Malefoy n'en fait rien.

— Alors ? le relance-t-il un peu trop tard.

Malefoy avale ce qu'il a dans la bouche et parvient à prendre un air innocent.

— Quoi ?

— Est-ce que tu me détestes, toi ?

Il est conscient que, contrairement à Malefoy, il n'a pas l'air indifférent du tout. L'expression sur le visage de Malefoy est indéchiffrable.

— Potter, si tu ne peux pas répondre à ça, tu es vraiment un idiot fini.

Harry est en train de se demander si ce serait impoli de planter sa fourchette dans le dos de la main de Malefoy quand le premier des sept desserts arrive et il se perd dans l'extase de ces minuscules bouchées sucrées.

La gêne refait surface quand l'addition arrive, et Harry manque tomber de sa chaise en voyant le total.

— Passe-la-moi, dit Malefoy, la main tendue.

— Non, c'est bon, dit Harry.

Les yeux de Malefoy lancent des éclairs.

— Mais chéri, je veux te gâter pour notre premier rendez-vous en amoureux, dit Malefoy d'une voix suave.

Il a un rire moqueur quand Harry manque de nouveau de tomber de sa chaise et en profite pour rafler l'addition et fait signe au serveur. Il détache plusieurs billets d'une énorme liasse d'argent moldu et soupire de satisfaction quand la transaction est terminée.

— C'est du gâteau de faire comme les Moldus, dit-il, une fois le serveur reparti. Je ne sais pas pourquoi ça m'angoissait.

Harry se racle la gorge, toujours bloqué sur le « rendez-vous en amoureux ».

— Ça n'a pas besoin d'être gênant, sauf si tu insistes pour que ce le soit, dit Malefoy, de nouveau de cette voix suave.

Il se lève et laisse le serveur qui surgit instantanément à ses côtés l'aider à enfiler sa cape.

Ils sortent dans l'air frais de la nuit et le serveur leur appelle un taxi avant qu'ils puissent dire qu'ils n'en ont pas besoin. Une fois à l'intérieur, Malefoy s'assied un peu trop près de Harry et celui-ci l'entend presque rire. C'est franchement injuste.

Le chauffeur de taxi les laisse à la gare quelques minutes plus tard et Malefoy paie à nouveau le Moldu avec sa grosse liasse de billets en lui laissant un pourboire généreux.

— Viens, on se donne la main, Potter, dit Malefoy d'une voix facétieuse.

Il ricane en voyant l'expression sur le visage de Harry et lui prend la main – pour le faire Transplaner jusqu'à Poudlard en plusieurs sauts qui donnent la nausée à Harry.

— Ça va ? demande Malefoy.

Il laisse sa main retomber comme une pierre dès qu'ils arrivent en bas de l'allée qui mène au château.

— Transplaner, ça me rend malade, explique Harry.

Il déglutit et ferme les yeux.

— J'aurais plutôt tendance à penser que c'est le vin, réplique Malefoy sans indulgence. Tu t'es quasiment tapé la bouteille à toi tout seul.

— Mais tu ne me détestes pas pour de vrai, si ? demande Harry.

Il a toujours les yeux fermés et le monde tourne toujours autour de lui.

— Oh, bon sang... vraiment, Potter ? demande Malefoy, avec une dose de désespoir dans la voix. Non, espèce d'idiot, bien sûr que non.

Il marque une pause.

— Enfin, peut-être un peu, parfois. Mais c'est moi que je déteste le plus. Je te dis ça seulement parce que tu es bourré et moi non, alors il y a peu de chances que tu t'en souviennes. Si jamais c'était le cas, tu veux bien qu'on n'en reparle jamais ? Merci.

— D'accord, dit Harry, les yeux toujours fermés.

C'est plus tranquille comme ça.

— Désolé.

— Pour l'amour de Dieu. Note pour le futur : ne pas laisser Potter transplaner quand il est bourré. Ça le rend nauséeux et boudeur.

Rien qu'à sa voix, on sent qu'il lève les yeux au ciel.

— Bon, allez viens, Potty. On va te ramener à l'école et te mettre au lit.

Harry rouvre les yeux – il est peut-être un peu éméché, mais il n'est pas non plus complètement ivre et l'air frais commence à atténuer son mal des transports. Malefoy commence déjà à rentrer alors il trottine derrière lui et ils remontent l'allée dans un silence mi-confortable, mi-horriblement gênant.

Tatoué sur mon cœur  - DrarryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant