On peut toujours tomber plus bas - 6

4.8K 554 171
                                    

Aussitôt après avoir quitté la serre, il est à nouveau bombardé de hiboux. Par chance, l'un de ses camarades de classe a laissé la porte de la serre entrouverte et une branche se faufile pour attraper les oiseaux imprudents. Ils se dispersent et les lettres tombent comme des feuilles mortes. Harry voit des baisers dessinés sur certaines enveloppes et décide que la fuite est la meilleure des options. Il a raison car quand l'une des lettres explose, Terry Boot se met aussitôt à déclarer son amour éternel pour un certain Armandus Philips avant qu'on aille chercher Slughorn pour lui donner un antidote. 

Harry pense qu'il ne peut pas tomber plus bas quand, au milieu du déjeuner – après que McGonagall l'a assuré pour la troisième fois que son courrier ne sera plus un problème – la tête de son secrétaire, Alistair, apparaît dans la cheminée de la Grande Salle et se met à bramer qu'il a reçu plus de sept tonnes de courrier de fan au cours de la dernière heure, qu'une partie de ce courrier vibre et que la prochaine fois qu'Harry décide de démontrer en public qu'il aime les hommes, est-ce qu'il pourrait lui faire la faveur d'en informer Alistair en avance ? Harry pense sérieusement que Zabini risque de se pisser dessus de rire, mais Malefoy, à son côté, a juste l'air aigre et dégoûté, comme s'il détestait tout le monde en général, mais Zabini en particulier. Même Ron a l'air un peu peiné, comme s'il avait envie de rire et que seule sa loyauté envers Harry l'en empêchait. 

Cependant la journée continue à être insupportable, et chaque heure qui passe amène son lot de nouveaux et abominables défis. Une énorme mouche ronde qui bourdonne dans la bibliothèque se révèle être un gros journaliste qui se transforme avec un « je t'ai eu ! » réjoui pour prendre une photo de Ron qui lui tapote gentiment l'épaule en lui disant que mettre une double dose de laxatif dans le thé de Zabini n'est peut-être pas très créatif en termes de vengeance mais que ça vaut quand même le coup, alors pourquoi ne pas le faire à l'occasion ? Harry pense qu'il préférerait encore... embrasser Zabini de nouveau qu'embrasser Ron, mais le journaliste disparaît avant de se faire jeter dehors violemment, et Harry prévoit déjà, défaitiste, qu'il recevra une Beuglante de Mme Weasley le lendemain, l'accusant d'avoir fait rompre Ron et Hermione. En tout cas, il espère que ce sera une Beuglante et pas une lettre extatique pour lui dire qu'elle a déjà acheté un nouveau chapeau pour leur mariage. 

À plusieurs reprises, un élève rassemble son courage pour lui demander s'il veut sortir avec lui, et il doit regarder son visage se défaire quand il répond non. Il se sent très mal, mais tout ça est bien trop difficile. Il a besoin de sortir avec quelqu'un qu'il connaît, ce qui réduit ses possibilités à, en gros, Ron, Luna, Hermione et Neville, analyse-t-il avec morosité. Il est condamné au célibat à vie. 

C'est ça qui le fait hésiter, une fraction de seconde, quand Neville vient le voir juste avant le dîner et lui demande s'il peut lui parler en privé juste un moment, et une fois qu'ils sont sur les marches du perron, dans le noir, lui fourre sa langue dans l'oreille et lui dit qu'il l'a toujours aimé. 

Après cette fraction de seconde, Harry glapit et jette un Incarcerem à cette saloperie de voleur de corps – parce que ce n'est pas Neville, bien sûr que non, c'est une ado à l'air terrifié qui a été assez maligne pour obtenir un cheveu de Neville il y a déjà quelque temps et se polynectariser en lui, mais pas assez maligne pour que son plan tienne debout. Mais une fois que c'est fini, Harry sent encore la secousse de ce moment d'indécision – ce moment où il n'a pas réussi à savoir si c'était son ami ou quelqu'un qui avait pris son apparence – et il souhaite, juste une seconde, être moldu à nouveau et vivre dans un monde où ce genre de choses ne peut pas arriver et où il n'est pas célèbre pour avoir fait quelque chose que n'importe qui d'autre aurait fait à sa place, et où personne d'autre que lui n'aurait son mot à dire sur les gens qui lui plaisent et la teneur de leurs organes génitaux. 

Hermione et Ron le traînent aux Trois Balais pour prendre un verre après le dîner – il y a quelques avantages à être de retour à l'école en tant qu'adulte, apparemment – mais ça ne lui fait pas tant de bien que ça. Le bar est bondé et quand Hermione revient avec trois pintes de Bièraubeurre, Harry jette un Revelio sur leurs boissons et la sienne tourne au rose, indiquant la présence de magie. Hermione, la mâchoire raidie, lui ramène un nouveau verre, offert par la maison mais, bizarrement, il n'a plus si soif que ça, après ça. 

Il attend que ses amis lui demandent s'il est vraiment gay, ou bi, ou quoi que ce soit, mais ils ne le font pas, et même s'il sait qu'ils font preuve de tact et qu'ils attendent qu'il soit prêt à en parler, ça lui tape sur le système. C'est irrationnel, mais il a l'impression qu'ils s'en fichent. 

Alors il paraît entièrement logique que quand ils quittent le pub – peu après y être entrés – un hibou ébouriffé lui fonce dessus et lui lâche une lettre dans les mains. 

Elle ne ressemble pas aux autres lettres d'amour. D'abord, elle est écrite à la machine, et froissée, comme si quelqu'un s'était assis dessus, et une tasse de thé a laissé un cercle sombre sur le côté de l'enveloppe. Hermione essaie de la lui arracher, mais Harry en a un peu marre de cette journée, merci bien, et il pense que s'il se prend un maléfice, ça sera la conclusion parfaite. Il ouvre la lettre. 

Potter,

Je sais quelque chose de secret sur Ginny Weasley. Si tu me retrouves demain matin à six heures à l'orée de la Forêt Interdite, tu pourras peut-être me convaincre de ne pas le révéler au monde entier.

Un Ami

Ils continuent à se chamailler à ce propos sur le trajet jusqu'à l'école, mais le cœur n'y est pas. Harry sait que peu importe ce qu'Hermione pourra dire pour les persuader de ne pas aller au rendez-vous donné par ce mystérieux « ami », ils iront quand même – et ils savent tous les deux que s'ils n'y vont pas, Hermione se faufilera sûrement hors du château pour y aller toute seule. Alors ils décident de se retrouver à cinq heures trente sur le perron, tout en sachant pertinemment que c'est probablement un piège. Harry suppose qu'il pourrait en parler à la Directrice ou envoyer un hibou à Robards mais... ça concerne Ginny. La famille. Alors ça ne regarde personne d'autre qu'eux, non ? 

Avant qu'ils soient en sécurité à l'intérieur du château, Hermione frissonne et regarde autour d'elle.

— Quoi ? demande Ron qui regarde aussi. 

Harry fait pareil, mais il ne voit rien. Juste l'obscurité d'une nuit écossaise, et les lumières vacillantes de l'école au loin. 

— Rien, dit Hermione en frissonnant à nouveau. C'est juste... j'ai eu l'impression que quelqu'un nous observait. C'est sûrement mon imagination. 

C'est sûrement son imagination, pense Harry, mais ils se mettent à marcher un peu plus vite vers la lumière. Après tout, ce n'est pas parce que vous pouvez imaginer quelque chose que ça veut dire que ce n'est pas réel aussi.

Tatoué sur mon cœur  - DrarryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant